Chronique : La Saison Fantôme - BLEU REINE
- Par Stéphane Leclercq
- Le 05/12/2023
- Dans Chroniques
- 0 commentaire
Il est de rares fleurs qui éclosent en hiver à la manière de La Saison Fantôme, premier LP Grunge-Folk-Post Shoegaze de BLEU REINE. Elégamment situé à la croisée des voies entre les chevauchées électriques et les légendes médiévales, le tout autour de textes en français, ce projet original de Léa Lotz est le résultat de trois années de créations après son premier EP Elémentaire, paru en 2019.
L’album s’ouvre sur Sighişoara qui est la ville de Dracula située en Transylvanie et sonne comme une ode incantatoire. Le refrain accrocheur et quasi obsédant tourne en boucle à l’esprit et viens carrément me hanter après deux ou trois écoutes. Se retrouvent ici des ambiances proches des premiers THE CURE, également de SLOWDIVE (pour ceux connaissant ces derniers), ou se couchent des surimpressions poétiques en langue roumaine. Le chant s’avère ici tourmenté autant que le son de guitare abrasif et crunchy, pour ce titre d’ouverture qui est aussi le second single de l’album.
Un visage sur un nom s’annonce en forme de poème introspectif et lunaire (« Que signifie fragile quand rien n’est en péril ? », second couplet), ou le chant et les ambiances se font plus amples et mélodiques. La partie de guitare devient plus noisy avec au programme un solo planant et survolté. Le bal des sabres qui vient à la suite, est un titre plus rythmé avec un son grungy et une montée de chœurs envoutante, le tout sur une ligne de basse bien ronde. C’est faussement crade et en fait très travaillé...Le son trippant et envoutant et du morceau, bien construit à la façon années 90’, est ensuite interrompu par un break et acoustique vocal romantique bienvenu, ce qui lui donne un certain charme.
Arrive l’intro de Comme un seul homme, faite de paroles profondes et envoutantes et philosophiques sur l’amour. Le morceau s’appuie sur un riff de guitare dont le retour est absolument im-pa-rable, et une belle distorsion sur la basse. A mon humble opinion, il s’agit du meilleur titre de l’album. Seul défaut : il est un petit peu court car avec une telle matière sonore cela aurait pu durer six minutes ou plus...Mais rien que de très normal, car il s’agit du premier single ! A quand une version longue enregistrée live ?
BLEU REINE - Comme un seul homme (Clip Officiel)
Avec Grenat, on sent l’artiste sur son chemin philosophique : « quelle est notre valeur si nous sommes identiques, si nous ne mordons qu’aux hameçons qui nous piquent » (1er couplet) ? Retour des talkovers poétiques cette fois sur des accents plus Pop, et un refrain qui me fait penser à la toute première et bonne époque de Mylene Farmer. On frissonne doucement sur les chœurs...
Belle qui tient ma vie dépeint une ambiance fantomatique et gothique à souhait pour enchaîner ensuite sur une sorte de comptine moyenâgeuse et faussement enfantine sur l’amour galant, contée par la voix claire et cristalline de BLEU REINE. On y aime le delay sur la guitare qui vient prolonger les chœurs profonds de ce titre complètement médiéval.
Pale lumière s’ouvre avec une intro intimiste et un bel arpège à la guitare, à noter que Stéphane “Neige” Paut le guitariste du groupe de Post-Black Shoegaze ALCEST est crédité sur le titre, aux guitares et voix additionnelles. Le tout est mixé avec des sons plus industriels ce qui nous offre un mélange plutôt intéressant sur les paroles voluptueuses du morceau (« On sent mieux la lumière quand on n’est pas lumière, on sent mieux les rebonds de la mer », refrain).
L’eau qui dort est un titre crépusculaire, qui nous dit qu’il faut toujours se méfier de cette eau qui dort sur un Riff façon road-movie à l’ambiance éthérée et totalement fantomatique, un peu à la David Lynch. La batterie se fait ici jazzy et le solo de guitare se finit à l’acoustique sur le riff de base. Cool...
Le chant lyrique monte en beauté dans le aigus avec Retournée, titre plus folk à l’ambiance mélancolique et romantique sur fond du son de la mer et de paradis perdus. J’entends encore les premiers Mylene Farmer (période Alan), pour le mieux, dans ce troisième single de l’album.
BLEU REINE - Retournée (Clip Officiel)
Les braises est également une balade folk, mais cette fois bien plus électrisée. La remontée aérienne du riff de guitare profondément déchiré au son grungy est carrément émouvante. Celà en fait pour moi un des tout meilleurs morceaux de l’album et aussi l’un des plus accessibles, car prenant aux tripes dès la première écoute. Enfin, le phrasé de BLEU REINE sur ce titre n’est pas sans rappeler le premier EP de NOIR DESIR (Où veux-tu qu'je r'garde ?), voire INDOCHINE.
Les deux morceaux suivants relatent une forme de plénitude enfin atteinte. Avec Lorelei c’est un portait de sirène et de Reine sur des talkovers poétiques en Allemand, dont les arpèges et la légèreté font quelque peu penser à du Suzanne Vega. Le titre est bon, mais un peu court encore à mon gout. Automne Orange joue plus de la balade ingénue et rêveuse dans la Nature, ou la quiétude de l’âme se retrouve.
Outro vient clore cet album, ou plutôt vient l’ouvrir vers la lumière et le soleil, sous forme d’un poème électrique ambient. La clarté est à présent pleinement atteinte et l’on regarde le chemin accompli ou les fantômes ne sont plus inquiétants, ici de l’autre côté.
Invitation à des voyages parfois planants et mettant des mots et musiques sur des sentiments complexes sous forme de bascules entre les états de l’âme, cet album clairement intimiste et ambitieux est un parcours initiatique depuis le chemin de sang jusqu’à la contemplation de la Nature et la Liberté. Et lorsqu’on que sait BLEU REINE multi instrumentiste sur cet album (chant, chœurs, guitares, basse, claviers et joue même de la batterie sur Comme un seul homme), en plus de l’écriture des textes, il est aisé de percevoir le chemin parcouru et la maturité déjà atteinte (on vous avait gardé ça pour la fin !). Une belle alchimie qui donne envie de la rencontrer sur scène, le 14 décembre à Metz, aux Trinitaires, en première partie de SILLY BOY BLUE.
Ajouter un commentaire