APOCALYPTICA : Entrevue avec le violoncelliste Perttu Kivilaasko
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- Le 11/02/2020
- Dans Interviews
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Nous avions reçu, il y a quelques semaines, Perttu Kivilaasko, violoncelliste d'APOCALYPTICA, qui nous a parlé du nouvel album Cell-0, ainsi que cette cohésion qu'il existe toujours entre les membres après plus de 20 ans d'activités et de leur collaboration avec SABATON.
Veia : Bonjour et merci de nous recevoir. Comment vont les choses pour Apocalyptica en ce moment ?
Perttu : Merci, les choses se passent incroyablement bien pour nous en ce moment. Nous avons passé une super année, avec beaucoup de travail. Entre la création d’album et la tournée, nous sommes un peu fatigués, mais en ce moment nous sommes juste heureux concernant le prochain album. Je dirais que ce processus nous a encore plus rapprochés et nous apprécions encore plus la présence des uns des autres. C’est incroyable après une carrière de 23 ans. Tout se passe très bien, nous sommes très enthousiastes et avons hâte de monter sur scène l’année prochaine pour jouer nos nouveaux titres.
Veia : Pouvez-vous nous présenter votre nouvel album Cell-0 ?
Perttu : Cell-0 est en quelque sorte un album-concept à nos yeux, c’est un album instrumental. Ces dernières années, nous avons réalisé ces dernières années que nous voulions faire un peu marche arrière musicalement, pour retourner aux bases, comme lorsque nous avons commencé à jouer de la musique en tant que groupe. Nous avons bien entendu voulu innover avec chaque album, essayer de trouver de nouvelles manières de nous exprimer en tant que musiciens. C’est la raison pour laquelle nous avons ajouté des batteries, des percussions, des chants, plus de chants. Mais maintenant, ces dernières années quand nous avons joué des morceaux de Metallica avec 4 violoncelles, premier album très nostalgique, et la tournée anniversaire, nous avons ressenti que ça c’est vraiment Apocalyptica. Nous nous sentions donc de nous concentrer plus là-dessus. C’était incroyable, nous étions enfin dans une situation où nous n’écoutions personne d’autre, c’était juste quatre gars dans le studio et nous ne voulions même pas ajouter un producteur dans le mélange. Nous avons pensé que si nous voulions regarder la chose comme étant la nôtre, nous ne voulions pas être gênés. Il faut oublier ce cliché qui dit que personne dans le business n’est intéressé par de la musique instrumentale. La sensation de ne pas être collé à une idée était génial, de ne pas s’embêter à faire de la musique commerciale.
Veia : Il s’est écoulé 17 ans depuis votre dernier album totalement instrumental. Quels sont les circonstances qui vous ont poussé à repartir sur ce type de composition ?
Perttu : La raison principale est que nous étions arrivés à un point dans notre carrière où nous nous sommes posés et nous nous sommes demandés : quel est le cœur, quelle est l’identité d’Apocalyptica. Il est bien entendu assez facile de comprendre que notre marque de fabrique c’est le violoncelle. Peut-être avons-nous eu des moments dans notre carrière où nous voulions expérimenter, mais le cœur de notre musique reste le violoncelle. C’est la raison pour laquelle nous avons cherché à atteindre les limites avec cet instrument.
Il y avait aussi toutes sortes de pensées philosophiques avec cet album, puisque plusieurs chansons sont inspirées de sujets prônes à des inquiétudes. Nous avons beaucoup parlé de crises dans le changement climatique, l’état de la planète, l’état de la musique, l’état d’un peu tout ainsi que la véritable nature de l’humain. Cet album contient de très fortes émotions. Je suis pour ma part très anxieux concernant l’état actuel du monde, l’état des humains, la pollution, etc. Au niveau des histoires racontées, cet album a vraiment beaucoup de sens.
Veia : Vous avez tout produit vous-même de A à Z, mais pour le mixage vous avez collaboré avec Andrew Scheps. Comment cela s’est-il passé ?
Perttu : Andrew Scheps est incroyable, il est évidemment un des mixeurs à la plus grande renommée mondiale. C’est quelque chose que nous avons toujours voulu. Nous avons la chance et l’opportunité de travailler avec les personnes les plus talentueuses de l’industrie. Bien entendu aucun d’entre nous ne sait quoi que ce soit au sujet du mixage, nous laissons donc cette partie à ceux qui sont des maîtres dans la matière. Nous savions que nous voulions remettre notre album entre les mains de quelqu’un de compétent, pour que cela sonne comme quelque chose de réellement qualitatif. Je pense que c’est extraordinaire que pour les autres albums nous avons pu travailler aux côtés de producteurs vraiment talentueux, mais nous avons aussi le ressenti que nous avons beaucoup appris grâce à eux. Et en ce moment, avec cette musique, nous voulons gérer cela tous seuls, juste pour voir ce à quoi ça peut ressembler. A l’avenir, nous allons vraisemblablement de nouveau travailler avec de grands producteurs, mais avec Apocalyptica nous essayons en permanence de nous trouver nous-mêmes et nous retrouvons dans d’étranges situations.
Apocalyptica - Ashes Of The Modern World (Official Video)
Veia : Bien qu’il n’y ait aucun texte, par rapport aux titres des morceaux, quels messages voulez-vous faire passer à travers cet album ?
Perttu : Je dirais que nous ne voulons pas forcément faire passer un message, mais plutôt de faire de la musique qui suscite des interrogations. Si tu écoutes cet album et que tu commences à te poser des questions, c’est le but, puisque Cell-0 flirte avec l’idée que les humains se traitent mal entre eux, ainsi que la planète et les animaux. Tout est si cruel. Actuellement, nous polluons et détruisons tout. J’espère qu’une chanson ou quelques-unes des chansons nous font traverser une sorte de voyage émotionnel qui mènent à se poser la question de « Pourquoi tout est en feu ? ».
Certaines chansons donnent des indices sur l’état actuel du monde. Nous parlions du fait que toutes les chansons étaient comme des tableaux, ils donnent une petite image du monde, et quand l’on regarde de grands tableaux, ils créent des histoires dans notre tête. Et c’est ce que j’aime avec notre musique, c’est qu’elle mène quelque part, elle donne des cauchemars. *rire*
Veia : Vous étiez revenu sur vos reprises de Metallica lors de vos précédents concerts qui étaient 100% instrumentaux. Avec ce nouvel album allez-vous rester dans cette optique ou avez-vous prévus de rejouer vos chansons chantées ?
Perttu : Dans les prochaines tournées nous allons évidemment de nouveau combiner les éléments, puisque plusieurs des morceaux avec paroles sont une part importante de notre groupe, nous devons donc en jouer en partie pendant nos concerts.
Dans notre prochaine tournée de janvier-février, avec Sabaton et Amaranthe ce qui est une chance sans nom, avec la chanteuse très talentueuse qu’est Elize Ryd. C’est une opportunité incroyable de travailler avec des artistes aussi doués et de les inclure dans notre travail. Bien entendu, quand nous allons commencer notre tournée, ce sera avec Cell-0, nous jouerons la moitié de l’album. Cependant, nous devons aussi jouer nos titres les plus populaires. Mais à ce stade, c’est un problème de ne pas pouvoir jouer l’entière discographie, les concerts finiraient par durer de 3h30, et ça serait peut-être un peu trop.
Veia : Il y a quelques mois, vous aviez fait une reprise de la chanson Fields Of Verdun du groupe suédois Sabaton, puis un featuring sur leur titre Angels Calling. Comment est née cette collaboration ?
Perttu : L’acteur principal derrière cette idée est Pär Sundström, le bassiste et manager de Sabaton, et il adore notre groupe. Il est allé à un de nos concerts il y a quelques années à Madrid, et s’est dit qu’il voulait intégrer d’une manière ou d’une autre notre violoncelle dans un titre de Sabaton. Il pensait par ailleurs que s’il voulait collaborer avec qui que ce soit, il faudrait que ce soit du travail propre, et ce pas seulement pour un titre, mais une multiplicité de titres, faire une tournée ensemble. C’est comme cela que tout a commencé.
Ce sont des gars vraiment bien, des plus sympas de l’industrie. J’aime l’idée de Verdun. Ils voulaient semer la confusion chez leurs fans, ils ont annoncé publier leur premier titre avant de publier l’album complet, et au final ça n’est pas eux qui ont interprété la chanson, mais nous. Et tout le monde est allé sur Youtube, plein d’excitation, à l’idée d’une nouvelle chanson de Sabaton. Je pense que c’est une idée si bizarre, mais je pense que ça a créé une bonne cohésion entre les deux fanbases, et puis quelques jours plus tard ils ont publié leur propre Verdun.
Angels Calling, superbe chanson, d’un de leurs premiers albums, et nous l’avons recréée ensemble. Quelque chose d’autre de spécial pourrait encore se passer. En tout cas nous avons une tournée de 5 semaines dans de grandes arènes, et j’ai vraiment hâte de voir les 48 lance-flammes. Nous avons déjà joué à Helsinki, c’était impressionnant, mais surtout très chaud. *rire*
Veia : Et c’est ce qui vous a amené à partir en tournée avec eux l’année prochaine ?
Perttu : Pour suivre ce que Pär voulait, de faire plus qu’une simple collaboration. Nous avons trouvé être un bon duo. Et je pense que l’un des avantages d’Apocalyptica est sa versatilité, nous rentrons quasiment dans toutes les cases musicales. Nous avons joué à de nombreux festivals d’heavy metal, ainsi qu’à des évènements de musique classique, des halls d’opéra. Nous pouvons de même jouer avec plusieurs sortes de groupes, les violoncelles nous ouvrent plusieurs portes. Nous aimons jouer avec des groupes qui ont de grandes aspirations.
SABATON - Angels Calling feat. Apocalyptica (Official Music Video)
Veia : Ça se voit que vous êtes très passionnés par ce que vous faites.
Perttu : Je le suis ! Mais je dois avouer que je ne l’ai pas toujours été. Je me sentais enlisé dans une routine par moments, ennuyé de voyager en permanence. Cependant, je pense qu’une des plus grandes réussites de ce groupe est d’avoir réussi à maintenir notre amitié, de sorte que maintenant nous apprécions le tout bien plus comparé à il y a quelques années. C’est le plus grand point de départ, puisque si tout se passe bien au sein du groupe, ça se ressent très clairement une fois sur scène. Soit l’on aime faire de la musique ensemble ou pas. Et pour nous, cela restera toujours la chose la plus importante : de prendre soin de nos relations personnelles.
Veia : Cela semble en effet être un défi pour un groupe qui existe depuis si longtemps.
Perttu : Oui, et c’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle nous avons tenu pour si longtemps. Nous avons vécu des passes difficiles, et par moment il y a eu des collisions, comme toute relation ou ménage. Nous en rions d’ailleurs beaucoup : être dans un groupe est comme être dans un mauvais ménage. Il y a beaucoup de disputes, et bien trop peu de sexe. *rire* Un ménage de quatre gars. Il s’agit d’énormément de temps avec les mêmes personnes, à prendre l’avion en permanence ou d’être assis dans la voiture, etc. Et si l’on ne prend pas soin de cette relation, le déclin commence, et cela commence à être visible « Ils n’aiment plus autant ce qu’ils font. ». Je pense que si l’on en arrive à ce point, il est mieux de faire autre chose qui rend heureux.
Mais je suis sincèrement heureux que nous ayons cette motivation et des buts communs. Et c’est génial de toujours avoir de nouveaux albums. C’est toujours excitant de voir comment le public va réagir, et de jouer ces titres live.
Veia : Avez-vous prévu également de reprendre un de vos titres à vous avec eux ?
Perttu : Non, mais c’est en réalité une excellente idée. Nous devons maintenant prendre notre revanche : c’est à leur tour de reprendre un de nos titres.
Veia : Pour terminer, avez-vous un message pour les fans d’Apocalyptica ?
Perttu : Un peu ce qui a déjà été dit : nous sommes heureux après 23 ans d’encore être dans cette position, d’apprécier d’enregistrer les albums, d’être heureux des albums en eux-mêmes. Nous avons vraiment l’impression que nous avons trouvé notre identité en retournant à nos bases qui est vraiment cet aspect instrumental. Nous espérons que ça va plaire, et nous avons hâte de partager tout ça avec vous.
Nous ne sommes pas en train de disparaître, mais plutôt en train d’accélérer, et je veux continuer à jamais.
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