ARKAN : Entretien avec les guitaristes Florent Jannier et Mus El Kamal
- Par Romain Dos Anjos
- Le 08/12/2020
- Dans Interviews
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Très souvent, un album n'est pas une simple compilation de chansons avec des paroles. Il peut-être autobiographique, il peut raconter des histoires vraies, du vécu. C'est le cas d'ARKAN avec son nouvel album Lilah dans lequel chaque titre correspond à une anecdote vécue par Samir Remila et Mus El Kamal, respectivement bassiste et guitariste, durant leur jeunesse en Algérie à l'époque de la guerre civile, ou la décennie noire. Nous avons rencontré Mus ainsi que le guitariste Florent Jannier pour parler de cet album et de leur collaboration de longue date avec le producteur et musicien de renom Fredrik Nordström.
WTH : On va d’abord commencer par des questions présentatives, et justement, pouvez-vous présenter Arkan pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Florent : En 2-3 mots, Arkan c’est un groupe qui mixe de la musique orientale, notamment maghrébine, avec différents types de metal. Ça peut aller du metal extrême comme le death, à du metal un peu plus conventionnel et accessible.
Mus : On a sorti quatre albums. Hilal en 2008, Salam en 2011, Sofia en 2014, Kelem en 2016, avant de sortir notre cinquième, Lilah.
WTH : Que signifie Arkan ?
Mus : C’est un mot arabe qui signifie beaucoup de chose, notamment « pilier », « fondement » ou encore « base ». En l’occurrence, les fondamentaux de la musique.
WTH : En termes d’influences, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mus : Pleins de choses. On s’inspire à la fois de l’univers metal, notamment des groupes comme Nevermore, de prog comme Dream Theater, de death comme Cannibal Corpse. On a des influences de groupes des années 90, la scène scandinave comme At The Gates, In Flames, Dark Tranquillity. Tout ça, ce sont nos influences principales, tout en piochant dans du jazz, du folk, etc… C’est très éclectique.
WTH : Tout ça fait qu’on ne peut pas forcément vous coller d’étiquettes. Et quels sont les principaux thèmes abordés dans votre musique ?
Mus : C’est vrai qu’on a, nous-même, du mal de nous définir en termes de style.
Florent : Et finalement, ça a assez peu d’importance.
Mus : Voilà et on accorde plus d’importance aux textes et au niveau des thèmes choisis. Justement, pour te répondre, chaque album a un thème précis où on essaye de raconter une histoire. Le dernier parle de la décennie noire en Algérie, le précédent parlait des vagues migratoires. Celui d’avant, Sophia, parlait de la perte d’une personne chère, par rapport à un musicien dans le groupe.
Florent : Sur Salam on parlait du choc des civilisations. Et pour Hilal, comme c’était notre premier album, le but était de partir sur la notion de genèse pour parler des peuples, des mythes fondateurs, les débuts des civilisations.
WTH : Rentrons plus dans le détail sur votre cinquième album Lilah et sur le thème qu’il aborde. Pourquoi avoir choisi de parler de cette période difficile qu’a été la décennie noire en Algérie ?
Florent : Avec Sam et Mus, on se connait depuis plus de quinze ans et souvent ils nous parlaient de manière assez détachée de cette période-là. Il y a différentes anecdotes assez surprenantes pour quelqu’un qui a vécu, comme moi, une adolescence assez classique. Je pense que tout le monde dans le groupe savait qu’on avait quelque chose entre nos mains pour pouvoir faire un concept-album. C’était un peu délicat à exploiter ça mais qu’un jour on allait surement le faire et la question c’était de savoir quand. Finalement, les choses se sont imposées de manière naturelle sur cet album et on a donc décidé d’en parler. Et on a décidé d’organiser une petite soirée pour que Mus et Sam nous expliquent un peu ce qu’ils ont vécu là-bas mais toujours sur le prisme des faits anecdotiques, d’expériences très spécifiques pour pouvoir avoir des textes qui sont personnels et pas génériques.
WTH : Pour l’enregistrement vous êtes passé par le producteur Suédois Fredrik Nordström qui a travaillé avec In Flames, Arch Enemy, Dark Tranquillity et j’en passe, avec qui vous avez également déjà travaillé par le passé. Qu’est-ce qui vous avait permis de travailler avec lui ?
Florent : On a travaillé avec Nordström depuis le premier album, Hilal, et pour être franc avec toi, on m’aurait dit que, lors de la formation du groupe, que pour notre premier album on allait travailler avec lui, on aurait tous signé sans y croire. On avait tenté une première approche en envoyant des maquettes en y croyant à moitié et finalement, on a eu un retour positif. Et le fait qu’on avait signé à l’époque chez Season of Mist a dû jouer également.
Mus : Ce n’est pas n’importe qui mais si tu lui envois une maquette et qu’il voit que tu sais enregistrer, il bossera avec toi, il ne va pas te demander des trucs incroyables non plus. Il faut juste que ça rentre dans son emploi du temps
Florent : Voilà, il faut qu’il sente que tu es prêt à enregistrer. C’est quelqu’un qui a l’habitude d’enregistrer des musiciens prestigieux et il nous a quand même challenger pour être à leur hauteur. Mais finalement, pour répondre à ta question, c’est à la fois un concours de circonstances et à la fois un peu de chance, et puis je pense qu’il a décelé quelque chose dans les maquettes qu’on lui a envoyé et qui a fait qu’il nous a laissé une chance.
WTH : Et c’est en ayant cette idée de vous sentir comme à la maison pour ce cinquième opus que vous avez décidé de retourner enregistrer une nouvelle fois chez lui.
Florent : En fait, si tu veux, Fredrik c’est devenu quelqu’un qu’on connait très bien parce que, quand on enregistre un album, on est confiné entre quatre murs pendant quinze jours donc forcément il y a des liens qui se créent et aujourd’hui on a une relation qui est très naturelle avec lui. Donc on connait, on s’est comment il travaille, on a nos repères et un espace de vie qui est plutôt confortable.
Mus : C’est quelqu’un de très exigeant et sa priorité absolue c’est de garder la meilleure prise possible. Donc il va te faire refaire et refaire, parfois te pousser dans tes retranchements pour avoir quelque chose d’authentique et d’intense, et qu’il y ait le moins de trafic possible, pas d’Autotune, pas d’autres logiciels de ce type. Il en est juste hors de question pour lui d’utiliser ce genre de chose. Donc on a un album qui sonne naturellement puissant donc avec quelqu’un comme lui, tu dois te donner à fond.
Arkan - Broken Existences (lyrics video)
WTH : Cela m’a tout l’air d’être très physique d’enregistrer avec lui ! D’ailleurs est-ce que vous avez une anecdote amusante à nous faire partager ?
Mus : Oula il y en a pleins ! (Rires). Par exemple, quand on a voulu enregistrer la basse, en la branchant elle a cramé. Je ne savais pas qu’une basse pouvait cramer ! Elle a littéralement pris feu. Donc il a fallu qu’on trouve une autre basse. Et tu as Fredman qui arrive et qui dit « ça sent le brûlé là ! « Noooooon, pas du tout, il n’y a pas le feu (rires). On a eu de la chance qu’il avait plein d’autres instruments dans son studio. Il y avait une basse qui traînait quelque part donc on a fouillé et on est tombé sur une belle Fender, un modèle unique qui n’est pas sorti. La marque lui avait envoyé à son studio pour qu’il la teste et je ne suis même pas sûr qu’elle ait été commercialisée. Donc on a bien rigolé et effectivement c’était assez crevant parce qu’on a enregistré pendant une grosse semaine non-stop, mais que du plaisir surtout à bosser avec un gars comme Nordström dans un studio de fou, pour avoir un rendu de malade. Tu peux t’amuser avec sa console vu qu’il te laisse faire ce que tu veux dans son studio donc c’est un mec génial.
Florent : Le meilleur moment c’est quand il est en mix, il nous dit voilà les gars installez-vous, je mets les enceintes à fond et dites-moi ce que vous en pensez, et généralement tu prends une grosse claque. Il attend de voir ta réaction quand tu te prends le son dans la tronche !
WTH : Pour terminer, petit message pour nos lecteurs de What The Hell ?
Mus : Déjà protégez-vous, faites attention à vous et préservez les plus fragiles d’entre nous. Il faut qu’on s’en sorte et on va s’en sortir. Ce n’est pas ce sale virus qui aura notre peau. Et soutenez toujours comme vous le faite la scène musicale, les musiciens, la scène locale parce qu’il en souffre, les intermittents en souffre, les producteurs et le monde du spectacle d’une manière générale et surtout le musicien pour qui c’était déjà la galère avant la pandémie parce que là c’est la catastrophe… Il faut acheter des albums, du merch, donc soutenir au max parce que sinon elle ne sera pas remplacée.
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