BEYOND THE STYX : Interview du chanteur Emile Duputie
- Par Romain Dos Anjos
- Le 18/04/2022
- Dans Interviews
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Nous sommes allés à la rencontre d’Emile, chanteur de BEYOND THE STYX, groupe de Metal Hardcore qui nous a parlé de sa vision du groupe et du nouvel album Sentence.
WTH : Peux-tu nous faire une présentation du groupe pour ceux qui vont vous découvrir avec cette interview
Emile : Je m’appelle Emile, je suis chanteur de BEYOND THE STYX depuis 2011, donc depuis les origines du groupe. On performe dans un registre metal hardcore. Dans le groupe on a Adrien qui officie à la batterie depuis 2011, puis en 2013 nous avons été rejoints par David à la guitare rythmique et Yoann à la basse. Et puis nous avons un nouveau guitariste lead en la personne d’Arnaud depuis 2019, trois mois avant le premier confinement mais ça ne l’a pas tué ! (Rires).
WTH : Pourquoi avoir opté pour nom BEYOND THE STYX ?
Emile : Disons que c’est une manière de voir les choses, c’est quelque chose d’assez contrasté. Le Styx c’est une rivière qui, à travers différentes cultures, différentes religions, représente la distinction entre deux mondes qui serait le monde de la vie et le monde de la mort pour caricaturer. Et je trouve que ça offre de belles perspectives parce que lorsqu’on parle d’aller au-delà d’une rivière entre deux mondes, on se demande de quel côté on se positionne et moi je me demande des fois si nous ne sommes pas des êtres humains qui se dirigent doucement vers le monde de la mort ou alors si on n’est pas déjà dans un monde mortifère et qu’on pourrait éventuellement en sortir. C’est une manière de voir les choses assez philosophique.
WTH : Parles-nous de vos influences artistiques.
Emile : On est un groupe qui compose à cinq donc on a des influences diverses et variées parce qu’on ne se ferme à rien. Tu vois par exemple David peut aller chercher des choses dans le hip-hop que je n’irai pas forcément chercher donc on est très ouvert. Pour nos influences principales, on irait plutôt vers l’Ouest aussi bien au niveau du Hardcore Anglais qu’Américain, après pour le côté Groove et Crossover, je trouve que l’Angleterre n’a vraiment pas à rougir parce qu’il peut aller nous dénicher des beaux OVNIs que j’apprécie particulièrement. Après, pour ma part, je peux aller chercher des choses dans le Brutal Death comme dans le Rock’n’Roll, le Blues, le Post-Hardcore. Donc sincèrement on ne s’arrête à rien, tout ce qui peut nous faire bouger la tête, on peut s’en inspirer.
WTH : Vous êtes vraiment un groupe éclectique.
Emile : Voilà et je pense que ça peut se ressentir dans certains morceaux.
WTH : Vous en êtes à votre troisième album qui s’appelle Sentence, le premier à sortir depuis le début de la crise sanitaire. Dans quelles conditions a-t-il été composé ?
Emile : C’est un album qui a commencé à être écrit avant la crise sanitaire. On avait une démo de trois titres qui avait été réalisée avec Victor notre ancien guitariste. On l’a envoyé à différents labels et il se trouve que notre label actuel WTF Records a été vraiment très emballé par le produit donc on a choisi d’aller là où le cœur nous disait d’aller. Donc on a suivi ce label, et contre toute attente on a eu le départ de Victor et suite à ça il y a eu une phase de composition qui s’est faite à quatre sur quelques morceaux, et puis il y a eu l’arrivée d’Arnaud à qui on a laissé une place sur ces morceaux ce qui peut expliquer qu’il y ait certains morceaux qui peuvent peut-être être davantages rythmiques que d’autres sur l’album, puis une fin d’album qui s’est composée de jusqu’à huit chansons et demie pas trop mal malgré le confinement. On avait la chance d’avoir un studio indépendant, un local privé qui nous appartient et on a pu traverser le confinement grâce à des attestations donc ça ne nous a pas freiné jusqu’au moment où on ne pouvait plus sortir de son propre département. Et là c’était problématique car, les membres du groupe, on vit dans des régions proches mais distinctes et comme il nous restait une chanson et demie à faire, on les a terminées en visio et là c’est vrai que ça a été un peu plus compliqué, ce n’est vraiment pas quelque chose que j’ai bien traversé. Surtout qu’avec le travail à distance, il n’y a rien d’instinctifs. C’était tellement compliqué qu’on en perdait le plaisir de composer. Mais voilà, on avait un album à finir donc on a su montrer qu’on pouvait être fort et on a tiré le meilleur de nous-même.
WTH : Un troisième album qui s’appelle Sentence. Pourquoi avoir choisi ce titre ?
Emile : C’est un titre qui a été choisi très tardivement, on était en milieu d’enregistrement de l’album au studio Pôle Nord. On a beaucoup réfléchi et on avait du mal à trouver un titre qui satisfaisait tout le monde jusqu’à ce qu’on tombe sur un consensus, on va dire, à quatre et demi sur cinq autour de ce nom-là. Alors pourquoi, parce que c’était un terme qui pouvait avoir une portée aussi bien auprès de la francophonie que de l’anglophonie, et puis c’est un terme à double sens. En anglais ça veut dire phrase mais ça veut aussi dire sentence au sens propre du terme, un verdict. J’ai trouvé ce terme assez fort, tout comme notre nom de groupe, ça apporte de belles perspectives et ça ne fige pas les choses, tout comme la pochette de l’album d’ailleurs, elle ne veut pas forcément figer les choses contrairement à ce qu’elle peut faire penser.
WTH : Quelles sont les évolutions apportées à cet album par rapport à votre précédent album Stiigma ?
Emile : Je pense qu’en termes de production déjà, Christian Donaldson nous a apporté un savoir-faire qu’on ne soupçonnait pas. On ne soupçonnait pas que Beyond pouvait sonner de la sorte, on ne va pas se mentir. C’est une véritable autoroute vers l’enfer qu’on a créé et c’était un vrai plaisir de pouvoir écrire ça à ses côtés, d’entendre même ses premiers enregistrements sonner plus que ses propres préproductions en studio, c’était déconcertant mais c’était drôlement motivant. Le plus qu’il a apporté, je dirais qu’on ressent bien plus l’énergie qu’on peut véhiculer sur scène à travers cet album qui va assez vite et qui est assez incisif donc je dirais que cet album inspire ce que j’aimerai inspirer sur scène, c’est-à-dire, soit l’adhésion, soit le rejet.
WTH : D’ailleurs les chansons sont relativement courtes donc vous visez l’efficacité.
Emile : Complètement, l’efficacité et la frustration. C’est un format qui nous correspond le format court et puissant. Tu n’auras pas de refrain et d’ailleurs chez Beyond, il y en a peut-être un sur Stiigma mais je ne suis pas persuadé qu’il y en ait un sur Sentence.
WTH : Peux-tu nous en dire un peu plus sur l’enregistrement au studio Pôle Nord de Blois ?
Emile : On a été très bien accueilli. On avait remporté un dispositif d’accompagnement qui nous a permis d’accéder à ce studio durant deux semaines, ce qui nous a aussi permis de travailler avec Christian Donaldson dans des conditions génialissime. C’est la première fois de ma vie que je passe deux semaines en studio dans des conditions dignes de professionnels. On avait deux cabines d’enregistrement, une pour la batterie qui est resté montée pendant une semaine même si on avait plus besoin de l’enregistrer, au cas où il fallait faire des retouches, et l’autre on avait tous le matos de guitare et de basse de branché. C’étaient vraiment des conditions exceptionnelles pour un groupe amateur comme nous.
WTH : Dans quelles circonstances avez-vous fait appel à Christian Donaldson ? Qui est d’ailleurs guitariste de CRYPTOPSY.
Emile : En fait Christian fait partie des différents sonorisateurs qu’on avait sondé, que ce soit humainement et financièrement, et le premier avantage est qu’il soit francophone alors que chez Beyond on a une personne qui n’est pas du tout anglophone. Et même si l’envie ne nous manque pas de pouvoir bosser avec les Etats-Unis ou l’Angleterre, on voulait faire les choses par étape et travailler avec quelqu’un qui a le savoir-faire outre-Atlantique et qui a une maitrise de la langue de Molière pour pouvoir nous permettre d’évoluer. Et on a fait le choix de Christian parce qu’à un moment donné, il y avait une aspiration à faire évoluer le son mais aussi les musiciens et différents artistes que nous sommes.
WTH : Peux-tu nous faire une petite synthèse sur l’artwork ? Une cover signée AMMO lllustration.
Emile : C’est un illustrateur avec qui on avait déjà travaillé pour Stiigma. AMMO c’est un Français expatrié en Belgique du côté de Bruxelles. C’est simple, j’avais une idée et je voulais qu’il la matérialise avec son grain. Je ne demanderai jamais à un artiste de se travestir pour nous, mais par contre, de pouvoir interprété une idée. Il faut voir ça comme l’aspect je suis l’auteur, tu es l’interprète, tu as carte blanche. Donc il a interprété la chose à sa sauce et la thématique synthétique de cette image est ni plus ni moins que la jeunesse en proie à ses propres démons. Et il y a cette question : est-ce que nous avons la capacité de prendre notre destin en main ou est-ce qu’on va se laisser prendre en main par notre destin ? On est à un point clé de notre existence sur les choix qu’on peut faire. Souhaitons-nous construire le monde de demain ou souhaitons-nous le détruire ?
Beyond The Styx - "OVERLOAD" Official Music Video
WTH : Quel est ton titre préféré de l’album ?
Emile : Ce n’est jamais simple de répondre à cette question parce que j’aime beaucoup de titres mais j’aurai tendance à dire Chain Of Life car c’est une chanson assez complète, on y retrouve tout ce que j’aime faire en termes de compo et son message me paraît fort et assez relativement optimiste car si je devais retenir deux choses de ces deux dernières années, les deux seules choses qui m’ont tenu réellement en vie c’est ma femme et mon groupe. Cette chanson parle de fraternité, de la force et du lien qui peut nous unir en tant que groupe. On a su, les uns et les autres, se souder comme une chaîne sur des moments difficiles parfois et sans pour autant être en galère en tournée, ce genre de chose. Là, on a su faire preuve de force de caractère, c’est fort comme sentiment.
WTH : Quel ton message pour nos lecteurs ?
Emile : Alors j’aurai le message suivant : qui que vous soyez, curieux, amateur de metal, passionné de metal, fréquenteur assidu de concert ou très occasionnel, de petite, moyenne ou grande salle, soutenez votre scène locale. Ne vous posez plus la question si vous devez aller à un concert ou rester à la maison. Demandez-vous plutôt à quel concert vous devez aller parce qu’à un moment donné, durant ces deux ans et demi, on a vu beaucoup de salle mourir les unes après les autres. Et il faut savoir une chose c’est que l’état ne soutiendra pas et n’a pas soutenu toutes les salles pour des raisons x ou y. Je ne suis pas là pour faire le complotiste, je suis juste là pour dire si on nous a taxé de non-essentiel c’est bien qu’il y a une raison. Et moi si je suis chanteur de Hardcore c’est pour la simple raison que je pense que la musique devrait revenir à sa place, à savoir de contre-pouvoir, ni plus ni moins. La musique, comme n’importe quel art, c’est fait pour penser et agir, et qu’à un moment donné il faut que nous puissions nous retrouver, retrouver le lien qui nous unissais aussi bien dans les petites que les moyennes ou que les grandes salles pour pouvoir créer un nouveau lendemain tout simplement. Et le monde d’après, il nous appartient à nous et pas à eux car, jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les politiques qui ont changé le monde, la révolution n’est pas venue des politiques.
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