BRYMIR : Entretien avec le chanteur Viktor Gullichsen

Brymir 2022

À l’occasion de la sortie du nouvel album de BRYMIR, Voices in the Sky, nous avons rencontré le chanteur Viktor Gullichsen qui nous a parlé des influences du groupe et du processus de composition de ce nouvel album.

WTH : Bonjour Viktor et merci de répondre à nos questions. Comment se porte le groupe en cette période estivale ?

Viktor : Très bien. Nous sommes contents que l’album soit enfin prêt et nous avons hâte de sortir les nouveaux morceaux. Bien sûr, on est aussi stressé à l’idée de voir comment ça va se passer et ce que les gens vont en penser, mais je pense qu’ils vont l’adorer. Je trouve que c’est notre meilleur album à ce jour, donc cela va être cool.

WTH : Peux-tu nous raconter les débuts du groupe, comment vous vous êtes formé ?

Viktor : Nous sommes tous musiciens depuis notre plus jeune âge et nous sommes plusieurs dans le groupe à avoir pris des cours de musique quand nous étions plus jeunes. En fait, nous nous sommes rencontrés lors d’un stage d’été à destination des musiciens. La plupart des participants jouaient du jazz, et nous, nous étions les metalleux aux cheveux longs. Et on s’est dit « tiens, regarde ce mec, il a les cheveux longs comme moi » et c’est là que nous avons commencé à parler ensemble. Nous avons décidé de faire des reprises de morceaux de metal et nous avons découvert que nous aimions beaucoup le folk metal. Donc nous avons fait une reprise que les gens ont aimée, nous sommes devenus de très bons amis et nous avons continué à jouer ensemble après l’été. Nous avions seize ans à l’époque, c’était en 2016, et nous jouons ensemble depuis.

WTH : Quelle est la signification du nom BRYMIR ?

Viktor : Le nom du groupe est né de la combinaison de deux concepts issus de la mythologie nordique et signifie « Alpha est égal à Oméga. » Le premier concept est Brimir qui est le nom de la table à Valhalla où les héros trinquent après la bataille de Ragnarök, après l’Armageddon. Et le second est Ymir, le géant à partir du corps duquel le monde a été créé, donc avant le début du monde. Donc le nom rassemble ces deux idées : après la fin et avant le début.

WTH : Vos influences sont flagrantes, on peut citer ENSIFERUM, WINTERSUN, CHILDREN OF BODOM. Que vous inspirent ces groupes ?

Viktor : Quand nous étions plus jeunes, il y avait beaucoup de groupes de Folk metal, avec ce très bon mélange de musique rapide et de mélodies, et ce sentiment mélancolique typique de la musique scandinave. Il y avait aussi des instruments folkloriques et des guitares acoustiques. Mais lorsque nous avons évolué, nous avons commencé à nous servir aussi de nos autres influences. Le folk metal est ce qui nous rassemble au sein du groupe, mais plusieurs d’entre nous ont toujours aimé le black metal, le black metal symphonique et le death metal. Et à présent, au fur et à mesure que l’on avance, ce sont ces autres influences qui prennent le dessus. Quand nous étions plus jeunes, c’était vraiment le folk metal qui comptait le plus, mais en grandissant, nous sommes influencés par des styles différents, et en particulier par des styles de musique dans lesquels il est possible de dire beaucoup de choses uniquement avec les instruments joués par le groupe. Donc sur notre nouvel album, il y a moins de synthés qu’auparavant. Bien sûr il y a toujours des arrangements, de l’orchestration, mais notre musique repose davantage sur la batterie et les guitares. Donc à présent ce sont ces autres influences qui commencent à apparaître.

WTH : L’album se finit sur une reprise de DARK FUNERAL, Diabolis Interium, pourquoi ce choix de reprendre un titre Black Metal qui diffère un peu de votre style ?

Viktor : D’une certaine façon, nous voulions rendre hommage à nos racines. Avec Patrick, le batteur, cela fait longtemps que l’on veut faire une reprise de DARK FUNERAL, juste comme ça, pour nous, pour le plaisir. Je pense que ça fait dix ans que l’on en parle. Lorsque nous nous sommes rencontrés, lorsque Patrick a rejoint le groupe en 2012, DARK FUNERAL est ce qui nous a rapproché, parce que nous aimions tous les deux le groupe. Et c’est depuis cette époque que l’on songe à faire une reprise de ce groupe. De plus, cela fait plusieurs années, que l’ensemble du groupe se demande ce que l’on pourrait faire comme reprise, parce que l’on ne veut pas se contenter de choisir une chanson qui appartient à un style trop proche du notre, comme une reprise d’ENSIFERUM par exemple, ou de DIMMU BORGIR, tous ces morceaux que l’on adore depuis toujours. Nous voulions sortir des sentiers battus et DARK FUNERAL nous semblait être le bon choix en raison de plusieurs facteurs, comme notre histoire et nos amitiés au sein du groupe. Cela nous semblait couler de source. De plus cet album est un peu plus sombre que les précédents, et il se trouve que nous avions déjà choisi cette reprise, alors que notre style est un peu plus black metal, donc nous étions contents de ce choix.

Vits brymir

WTH : Peux-tu nous parler de votre nouvel album Voices In The Sky, son histoire ?

Viktor : Nous avons commencé à penser à l’écriture de l’album en 2019, lors de la sortie de notre album précédent. On se demandait ce que nous allions faire ensuite. En 2019, nous avons eu une super année de tournée : nous avons joué en Europe et au Japon, nous avons fait la première partie de CHILDREN OF BODOM. Que des souvenirs mémorables, et cela nous a donné pleins d’idées pour de nouveaux morceaux. Et du coup, nous avions déjà prévu de prendre des congés en 2020 pour nous consacrer à la musique. Puis il y eu la Covid et tout a été annulé. On ne pouvait plus interagir les uns avec les autres et il y a eu une longue période pendant laquelle on ne pouvait même plus se voir. Cela a complètement modifié notre façon de travailler. On écrit les morceaux à peu près toujours de la même façon. Je travaille sur les chansons à la maison jusqu’à avoir une forme assez avancée, puis je les envoie aux autres membres du groupe. Mais il y a une forme d’interaction supplémentaire lorsque nous sommes en tournée. En fait, lorsque nous sommes dans le van, et que l’on va à un concert ou que l’on en revient, c’est à ce moment-là que je sors mon dossier dropbox et que je leur dis « Hey, j’ai fait ces nouveaux riffs. » Parce que lorsque l’on écoute ces morceaux dans le tour bus, en général on se met à réfléchir à la façon dont cela pourrait être joué en live et on commence à en parler tous ensemble. Et lorsque l’on nous a retiré tout cela, tout s’est effondré. Il nous a fallu une année pour nous y remettre, pour recommencer à écrire et pour prendre nos marques dans cette nouvelle situation. Donc c’était un processus très douloureux, très sombre. Puis aux alentours de début 2021, les choses ont commencé à se mettre en place. Jouer en concert nous manquait tellement que cela nous a donné de l’énergie pour écrire : nous fermions les yeux et nous imaginions comment une chanson sonnerait en live, et comment nous la jouerions face à un public. Et c’est grâce à ce genre de choses, que nous nous sommes remis en piste et que nous avons continué à écrire. Mais c’était des années très difficiles, une période sombre et interminable, une période de polarisation extrême entre les gens dans le monde et pendant laquelle il y a avait aussi beaucoup de cruauté. Donc tout cela a eu un impact sur l’album.

WTH : Comment se passe le processus de composition chez BRYMIR ?

Viktor : En général, tout commence dans mon imagination. J’ai une mélodie en tête. Je ne joue pas vraiment de la guitare, en fait je joue bien de la guitare, mais lentement. Donc ce que je fais, c’est que je pars de la mélodie que j’ai en tête, puis je la joue au synthé, parce que je suis plutôt quelqu’un qui travaille en studio. Je compose un peu comme un producteur de musique électronique. Je programme des mélodies, sur plusieurs pistes, et je les fais tourner en boucle. Pour cet album, j’ai procédé de la même façon avec la guitare. Je peux créer des échantillons à partir de ce que je joue très lentement à la guitare. Puis à partir de la mélodie que j’ai en tête, j’utilise les synthés comme point de repère et je fais en sorte que les riffs de guitare sonnent de la même façon. C’est pour cela que le nouvel album a des sons de guitare plus heavy et comporte davantage de batterie et de guitare que nos précédents albums sur lesquels il y a davantage de synthés, de paysages sonores et des choses comme ça. Parce que le processus de composition est devenu plus naturel lorsque je me suis mis à jouer plus de guitare et à faire des démos. Cela permet d’incorporer l’élément heavy metal plus en amont, au lieu de créer la structure et les mélodies en utilisant uniquement les autres outils de production. Ensuite, en général je sais tout de suite quel va être le sujet de la chanson lorsque j’entends la mélodie. Je me dis « Cela doit parler de tel sujet, ou de telle émotion. » J’ai un mot, ou une phrase du refrain, mais c’est tout, et ce n’est que lorsque la chanson est complètement terminée et que j’ai les arrangements vocaux en tête que je commence à écrire les paroles. En général je pars d’un mot ou d’une émotion, puis j’ai une mélodie, puis c’est ensuite que commence tout le processus que je viens de décrire.

WTH : Quelles ont été les inspirations pour l’écriture des textes ?

Viktor : Un des thèmes est lié au fait que voyager m’a beaucoup manqué pendant la Covid. Jouer en concert me manquait, tout comme voyager, rencontrer de nouvelles personnes, voire de nouveaux endroits. J’avais très envie de reprendre la route, de voir de nouvelles choses et d’avoir l’opportunité de fuir cette nouvelle réalité qui ressemblait un peu à une prison et dans laquelle tout ce que l’on aimait et tout ce que l’on connaissait avait changé. Donc un des thèmes principaux est le voyage et l’envie d’aller quelque part et de découvrir de nouvelles choses. Un des autres thèmes est la cruauté parce qu’il s’est passé tellement de choses horribles et que les gens étaient si cruels les uns envers les autres. Certaines chansons parlent de cela. Un autre thème est lié au fait – et cela est devenu encore plus marqué pendant la période de la Covid – que les réseaux sociaux sont le seul moyen d’interagir avec le monde autour de nous. Et pendant très longtemps, j’ai trouvé tout cela un peu effrayant et énervant, cette idée que tout le monde a créé une fausse version de lui-même en ligne. En fait, personne n’est aussi beau qu’il ne l’est en ligne, on prend la pose, on met des filtres, et tous ces trucs, mais ce sont des conneries. Et ensuite on se met la pression pour atteindre un idéal complètement impossible et irréaliste, que l’on se fixe pour soi-même et pour les autres. Ce sont des sujets qui sont très présents dans les paroles. 

WTH : Comment se sont passées la production et l’enregistrement ?

Viktor : J’en ai fait une grande partie tout seul à la maison, parce que le processus fait que le projet que je commence dans le logiciel que j’utilise pour enregistrer est souvent aussi celui que l’on envoie au mastering. Il comporte toujours la même organisation, les mêmes pistes, la même structure. Donc tout commence chez moi, avec le processus que j’ai décrit. J’écris le morceau puis, à un certain moment, lorsqu’il est suffisamment avancé, on ajoute la batterie. Donc avec le batteur, on va en studio et il joue sa partie. Ensuite je demande au guitariste de venir. Mais c’est beaucoup de travail en solitaire. Je fais beaucoup de choses moi-même. Pour cet album j’ai tout fait moi-même, sauf le mastering, qui a été fait par Tony Lindgren de Fascination Street Studio, et certaines parties de guitares que Joona, le guitariste, a enregistrées chez lui. Mais j’ai fait tout le reste dans mon studio, le montage, la programmation, le mixage et les arrangements, ce qui est un travail très solitaire : on s’enferme en studio pendant quelques mois et on voit ce qui se passe.

BRYMIR - Voices In The Sky (Official Video) | Napalm Records

WTH : Que peux-tu nous dire à propos de l’artwork ?

Viktor : Nous avons toujours été fans de l’esthétique Black metal. C’est mon style préféré, j’aime beaucoup ce style de sculpture sur bois et le noir et blanc. Et comme le processus de composition a été très douloureux et que c’était une période très sombre, nous voulions que l’artwork soit représentatif de notre état d’esprit à ce moment-là. Et en plus, je peux enfin avoir une couverture d’album dans un style black metal et créer du merch en noir et blanc, qui est ce que je préfère parce que je n’aime pas porter des vêtements très colorés. J’adorais nos artworks précédents mais ils étaient très colorés et je ne voulais pas porter un t-shirt avec du bleu ou du rose, ou des couleurs comme ça. Donc maintenant j’ai enfin un t-shirt que je peux porter.

WTH : Êtes-vous pleinement satisfait de votre quatrième album ?

Viktor : Nous avons évolué en tant que musiciens et je trouve que c’est notre meilleur album. En fait, ton dernier album est toujours le meilleur, parce que tu ne t’en es pas encore lassé. Cela se produit souvent : on écoute l’album et on se dit « Oh, c’est vieux ça ». Parce que souvent lorsque l’on sort un album, l’album lui-même a un an par exemple, mais certaines des chansons remontent à six ans ou plus. Sur notre dernier album en particulier, certaines chansons et certaines mélodies étaient très anciennes. Donc on s’en est déjà lassé au moment où elles sortent. On se dit « oh, ce vieux machin, je joue mieux maintenant ! » Mais cet album nous paraît encore très frais. Mais le plus important, c’est que l’on a trouvé un moyen de nous exprimer, de tirer le meilleur du groupe, des instruments, des musiciens, et de dire davantage de choses avec les voix, les guitares et la batterie, au lieu de trop nous reposer sur les synthés et sur les trucs autour, sur... c’est quoi l’expression déjà ? la cerise sur le gâteau... Tout ça jouait un rôle beaucoup plus important auparavant. C’est la raison pour laquelle je suis si content de cet album, parce que nous sommes revenus au noyau du groupe, ou parce que pour la première fois peut-être, nous avons découvert ce qui constituait le noyau, les limites et les possibilités de ce que l’on peut faire en tant que groupe. Et c’est vraiment cool.

WTH : Quels sont vos prochains concerts de prévu ?

Viktor : Nous allons faire des concerts en Finlande et nous venons tout juste de confirmer une tournée de trente-cinq dates en Europe. Je ne peux pas donner trop de détails pour le moment, mais cette année, nous allons faire notre plus grande tournée à ce jour. Nous avons hâte.

WTH :  Pour terminer, quel message souhaiterais-tu faire passer à nos lecteurs ?

Viktor : Nous sommes très contents, d’avoir enfin l’opportunité d’avoir accès à la scène metal européenne et au marché européen, grâce à notre nouveau partenariat avec Napalm Records et notre management, Donc nous espérons vous voir lors des concerts, que nous allons nous rendre dans tous les pays d’Europe et que nous allons faire beaucoup de festivals l’été prochain. Donc j’espère vous voir dans la fosse !

Brymir

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