DIRTY SOUND MAGNET : Interview du chanteur/guitariste Stavros Dzodzosz
- Par Christian Delépée
- Le 07/07/2020
- Dans Interviews
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La bio de DIRTY SOUND MAGNET annonce la couleur : ce trio dit évoluer dans un registre Psychedelic Rock/Alternative Rock et se reconnait de nombreuses influences : Tame Impala, King Gizzard and the Lizard Wizard, The Young Gods, mais aussi, les Doors, Jimi Hendrix, Pink Floyd, ou encore Led Zeppelin et Black Sabbath…
Le groupe se compose de Stavros Dzodzosz (guitare/voix), Marco Mottolini (basse, backing voix), Maxime Cosandey (batterie, backing voix).
L’interview a été menée avec Stavros Dzodzosz, à distance, eu égard aux conditions du moment avec Christian DELEPEE pour What The Hell, en français, car DIRTY SOUND MAGNET est un groupe suisse, basé à Fribourg.
Après les présentations d’usage, la première question : comprendre le nom du groupe, pourquoi sale, (Dirty)? pourquoi un aimant à son sale (Dirty Sound Magnet) .
Stavros Dzodzosz : Ce groupe est finalement assez vieux ; on l’a formé entre les 3 membres il y a plus de 12 ans. Quand on est ados on cherche quelque chose de fort, un nom de groupe fort. On avait ouvert un dictionnaire et le mot « magnet » est sorti au premier coup : je trouvais très fort cet aimant qui attire les choses. Mais depuis ça tombe bien, vu que, au fur et à mesure de notre développement, notre son est devenu de plus en plus sale, comme notre manière de jouer en live. Aujourd'hui, dans notre monde, tout est très propre et parfait : chaque note doit être sur la grille, à sa bonne place. Nous avons gardé une philosophie un peu plus jazz avec un jeu où on s'exprime, on ne corrige pas les erreurs, on les garde parce la musique, c'est du vivant. On ne veut pas que choses complètement lisses, c'est un peu le phénomène Nickelback : avant la musique était très vivante et dès qu'on a commencé à comprendre les outils modernes de la pop et les appliquer au rock, on l’a rendu beaucoup trop propre, tué en quelque sorte. Donc aujourd’hui notre nom a plus de sens encore qu’il y a 10 ans en arrière.
WTH : Je m’étais interrogé sur la liste de vos influences : on mélange Hendrix et Black Sabbath, voilà qui est intéressant !
Stavros Dzodzosz : ouais c'est clair : les années 60-70, pour moi, ont toujours représenté une sorte de liberté musicale avant que la musique ne devienne trop un business, et trop digitale avec l'avènement de toutes les technologies. Le rock avait des possibilités infinies. Rien que dans la musique de HENDRIX, il y a tellement de choses qui se passent d’un album, d'un morceau à l'autre, il y a beaucoup de liberté. Que ce soit les DOORS ou les BEATLES ou que ça soit Black Sabbath. Ce qui relie tous ces groupes c'est le fait de pouvoir faire la musique qu’ils voulaient, pas forcément de suivre un courant. Même si ce sont des styles différents, ces influences expriment aujourd’hui la liberté de notre musique, que nous n’enfermons pas dans un revival imposé.
WTH : Derrière le groupe il y a un projet personnel que j'ai compris exclusif de toute autre activité. Il vous faut faire beaucoup de scène pour cela, et vu la situation actuelle, comment vous en sortez-vous ?
Stavros Dzodzosz : Pour nous c'est une période difficile car en Suisse il n’y a pas d’équivalent du régime des intermittents du spectacle. On doit vraiment se débrouiller nous-même car l'État ne subventionne que pour des tournées, donc pour ça il faut jouer… C'est d’autant plus difficile parce qu’en Suisse, il faut être assez fou pour faire une musique aussi peu populaire aujourd'hui, que du rock. Déjà qu’en se déclarant être artiste en Suisse, on se voit demander quel est notre vrai travail ! Là, on sort du confinement mais trouver des concerts d'été, c'est quelque chose de qui se fait sur du long terme. Donc, en fait, on a perdu beaucoup plus que quelques mois. Encore maintenant j'écris à des salles sans avoir de réponse parce que les clubs sont fermés. Les clubs galèrent aussi : c'est toute une situation qui est très difficile pour le milieu du spectacle. Pour les petits professionnels comme nous, c’est le pire. On a utilisé le confinement pour créer et enregistrer encore de la musique enregistrée, donc accumuler de la matière pour le futur.
De gauche à droite : Maxime, Stavros, et Marco.
WTH : J'avais regardé aussi l'ensemble des dates que vous aviez normalement prévu pour promouvoir votre album. J'avais remarqué que c'est très tourné vers l’Allemagne, la Grande-Bretagne et qu’en France où il n’y a pas beaucoup de dates. Est-ce une question de culture où manquez-vous de correspondants en France pour vous faire bien connaître ?
Stavros Dzodzosz : C’est une frustration, on tourne dans toute l’Europe, pour aller en Espagne on traverse la France comme pour aller en Grande Bretagne. On parle français donc on peut être très proche du public. Les dates que l’on a fait en France se sont extrêmement bien passées. Le public français est un public de connaisseurs, qui contredit le cliché qu'on a en Suisse que les Français ne sont pas très rock. Mais au final on a toujours eu des expériences très positives avec le public français. On n’a peut-être pas les contacts nécessaires pour pouvoir tourner en France ; peut-être que les Français ne croient pas dans le rock Suisse ? Il faut encore un petit peu de temps, normalement la scène devait nous faire connaître.
WTH : Votre musique mérite largement qu’on la connaisse. C'est bon, tu m'as répondu sur la France, on va passer à l'album.
Avant ça, j'ai une question que j'aime bien : si vous deviez vous choisir un groupe en première partie, qui choisiriez-vous ? Entre QOTSA ou Tropical Fuck Storm, lequel des deux ?
Stavros Dzodzosz : Ce qui me plaît pas mal aussi c'est le schéma de Motor Saiko : ils n’ont pas de première partie, ils jouent 3h ! Je pense que un jour, ce sera aussi un peu notre rêve, vu qu'on a un grand répertoire. J'aime bien qu'en première partie, ce soit quelque chose de très différent, un peu plus simple en fait, pour rentrer dans le concert. Par exemple une voix féminine, seule à la guitare acoustique, je trouve que ça crée une sorte de climat que j'aime bien. On ne mélange pas assez les genres entre première partie et groupe principal, alors que ça peut créer de très belles atmosphères. Par exemple, Bombino, un bluesman guitariste touareg nigérien. C'est un peu le Hendrix moderne il est génial il joue avec ce qu’il a appris en regardant Hendrix, mais en plus cool. Sinon il y a le groupe avec qui on a déjà fait la première partie, et réciproquement, Motor Scape, qui sont des potes à nous qui sont très cool, ou encore King Gizzard & the Lizard Wizard. Ils ont déjà 15 albums à leur actif : des albums plus jazz, des albums de blues, des albums plus électro. Une production encore très fraiche dans l'horizon musical actuel.
WTH : On passe à l’album « Transgenic », même si j’ai compris que vous êtes déjà en train de « cuisiner » le suivant qui s’appellera « Organic » ?
Stavros Dzodzosz : En fait, c’est moins sûr car depuis le concept a évolué : on a pas mal fait de promo autour du morceau « Organic Sacrifice », ça pourrait se confondre, d’autant qu’il n’est pas facile de faire la promo aujourd'hui. L’album « Transgenic » est construit sur la critique de notre société, qui se robotise, et devient toujours un peu plus fausse. Le prochain, sera plus « live », plus organique.La pochette reflète cet univers robotisé, aux couleurs artificielles, plus nous trois, en gardiens du monde. Le trou de serrure ouvre vers le monde organique, thème du prochain album. Toutes nos origines sont symbolisées dans les graphismes, même de manière cachée : le bassiste, Marco, est italien, Maxime suisse, et moi je suis grec et hongrois.
WTH : OK, quand on a fini d’écouter l’album, on peut jouer à chercher sur la pochette ! Passons à la musique de l’album, tout en précisant que puisque nous avons la chance de publier sur le web, on se sert du média pour insérer la musique, plutôt que faire des phrases pour la décrire. Surtout qu’avec les vidéos produites pour Social Media Girl, Social Media Boy, et Organic Sacrifice, il y a matière à choisir : quel morceau vous illustre le mieux ?
Stavros Dzodzosz : Ne pas oublier USA LSD BNB HIV.
WTH : Ah oui, obsédant, acide et ironique. Et les images de la vidéo qui collent parfaitement à la musique.
Dirty Sound Magnet - USA LSD BNB HIV (Official Video)
Avec ses lyrics :
USA, LSD, BNB, HIV
USA LSD BNB HIV
USA LSD BNB HIV
Throw away your telephone, listen to what I’ve gotta say
Did you know my little darling? Grandma used to wet her pants
I know what you think of me
I know what you think of me
I know what you think of me
I know what you think of me
USA LSD BNB HIV
USA LSD BNB HIV
We grew up in a world where Rock ‘n’ Roll does not mean a thing
Brother Rory did you know? No one does remember your name
I know what you think of me
I know what you think of me
I know what you think of me
I know what you think of me
USA LSD BNB HIV
USA LSD BNB HIV
USA LSD BNB HIV
USA LSD BNB HIV
Stavros Dzodzosz : Un jour on m’a dit que pour faire notre musique, fallait être drogué ! Comme si, du rock, il ne restait que ça ! On a beaucoup assimilé le rock aux drogues, alors que Hendrix était d’abord un génie de la guitare. Ce morceau, et son refrain ironique viennent se poser pour rappeler ce monde superficiel. Organic Sacrifice est le morceau qui nous synthétise le mieux. Dans le clip, il y a référence à une situation qui résonne bien aujourd’hui avec la crise du COVID19.
Dirty Sound Magnet - Organic Sacrifice (Official Music Video)
Et ses lyrics :
Organic Sacrifice
Oh look, there ain’t no fooling around
There ain’t no movement at all
Some day, there won’t be no cities no more
People will be staying put
No children playing outside
Oh look, mothers ain’t cooking today
Fathers ain’t reaching out
Some day, we won’t need love anymore
We won’t need our bodies to breed
No children playing outside
Oh look, people ain’t thinking no more
Everybody’s acting the same
Some day, we won’t need notes anymore
Music won’t be understood
No children playing outside
Oh look, the kids are watching porn
The kids are always high
No children playing outside
WTH : On entend plus souvent des prédictions de malheurs que de bonheur ! Encore plus après qu’avant, du genre « je vous l’avais dit ! ». À toi de me dire alors en quoi vous vous retrouvez dans la crise actuelle ?
Stavros Dzodzosz : Le morceau Organic Sacrifice est le premier de l’album, qui ouvre à cet univers dystopique qui est présenté dans l'album « Transgenic ». On y traite des réseaux sociaux avec Social Media Boy, Social Media Girl. Ce thème très fort, présenté dans Transgenic, c'est vraiment ce monde illustré sur la pochette. Ce monde que les paroles décrivent est un miroir parfait de la période de confinement que nous venons de vivre. Mais à la base, dans le concept de l'album, le « virus » qui qui maintenait les gens enfermés ce n’était pas le covid-19, mais la technologie. On aurait plus besoin de centre-ville, parce que tout peut se commander de la maison. La vie sociale trouverait son exutoire dans les réseaux sociaux. Ceux-là qui devaient rapprocher les gens, les éloigne finalement les uns des autres. Pour moi, et je le maintiens encore, le vrai virus de la société il est là, il est plutôt dans la globalisation, dans la technologie, dans l'abus de du système capitaliste : il est là le virus à long terme ; mais finalement ça collait avec ce qui s'est passé.
WTH : J’ai aussi beaucoup aimé « Skull Drawing Rose » et notamment son dernier tiers, au solo bien rock.
Stavros Dzodzosz : c'est le morceau préféré des fans, c'est le morceau que nous qui nous représente le plus finalement sur cet album aussi, parce que c'est un morceau à tiroir avec beaucoup de riffs. Quasiment progressif, épique. On vient d'en enregistrer une version live parce que c'est un morceau dont tu ne peux pas faire de clip. C’est un morceau phare de l’album.
WTH : Il y a une transition dans l’album, Transgenic, de 37 secondes.
Stavros Dzodzosz : Le morceau Transgenic représente le virtuel. Social Media Boy et Social Media Girl tombent amoureux dans « Hashtag Love ». Transgenic, c'est une sorte de connexion virtuelle qui se fait entre les différents protagonistes qui sont sur cet album, comme dans l'hyperespace. Pour illustrer, on croirait qu’il y a des synthés, alors que dans l’album, il n’y en a aucun.
WTH : Je me suis demandé comment vous jouez cela en live ? avec des musiciens, des repiquages ?
Stavros Dzodzosz : En live, on n'est pas obligé de refaire la même version qu’en studio. On interprète de morceau comme on l'entend, en fait.
WTH : J'ai remarqué aussi que le dernier morceau de l'album s’intitule « The death of Beauty », la fin de la beauté : laquelle : la beauté visuelle, la beauté sonore ? Donc toutes les beautés ? C'est tragique !
Stavros Dzodzosz : C’est un morceau tragique, j’ai essayé de trouver les plus belles suites d'accords pour vraiment représenter la beauté. La mort de la beauté, c'est un désaveu comme toutes ces choses qui meurent avec ce monde transgénique suggéré dans l’album. Ce monde dit virtuel, qui devient de plus en plus réel. Cela touche aussi la musique d’aujourd'hui, qui a un gout amer, qui est fausse à force d’être retravaillée, retouchée. Elle n’est pas souvent honnête en fait, et voilà ce que veut dire « The Death of Beauty ».
WTH : J'arrive à la fin de mes questions, là c'est toujours ouvert, si tu as quelque chose à nous dire ?
Stavros Dzodzosz : Une seule : invitez-nous en France !
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