EMBRYONIC CELLS : Rencontre avec le chanteur-guitariste Maxime Beaulieu
- Par Romain Dos Anjos
- Le 10/12/2020
- Dans Interviews
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Déjà 25 ans se trouvent derrière EMBRYONIC CELLS et pourtant ce bon représentant de la scène metal française conserve la même passion qu'à ces débuts, ayant pris un certain rythme de production en sortant deux albums en deux ans. Le chanteur-guitariste du groupe Maxime Beaulieu a répondu à nos questions concernant le nouvel album Decline sorti le 9 octobre dernier. Interview.
WTH : Avant de commencer, je voudrais te demander une chose. Quelles questions tu ne voudras pas que je te pose ? Comme par exemple, la signification du nom du groupe ?
Max : Embryonic Cells ça existe depuis 25 ans donc c’est vrai que c’est une question qui m’emmerde mais, en même temps, c’est une question légitime qui fait sens. Donc je ne t’en voudrais pas si tu me la poses. D’autant plus que depuis le début de la journée, on ne me l’a pas encore posé donc tu as carrément le droit de la poser ! (Rires)
WTH : Dans ce cas, soyons fou, je te la pose !
Max : Embryonic Cells est un groupe qui est issu des cendres d’un premier groupe qui s’appelait Blasphème dans lequel on fait du Heavy Metal, j’avais 17-18 ans, et au sein duquel j’avais été viré. Le batteur de Blasphème, mécontent que l’on m’est viré, a décidé de partir avec moi. Et dans le garage de mes parents, donc avec l’ancien batteur de Blasphème, on a bu des bières et commencer à composer notre premier morceau. Et au cours de la soirée, qui était déjà bien entamée, on écoutait du Sepultura et on est tombé sur le titre Dead Embryonic Cells. Ça nous a inspiré du coup on est parti sur Embryonic Cells et ça dure depuis 25 ans.
WTH : Quel est ton état d’esprit avec le groupe après déjà 25 ans de carrière ?
Max : Très franchement, je me sens comme un gamin dans un magasin de jouet. C’est-à-dire que j’ai un appétit intact pour jouer demain, pour rencontrer de nouvelles personnes, pour partir en tournée. En fait, j’éprouve le même plaisir qu’il y a 10, qu’il y a 15 ans, qu’il y a 20 ans, ou plus, a branché mon ampli et jouer avec mes potes. Franchement, c’est un vrai bonheur d’échanger avec toi aujourd’hui donc moi je tripe.
WTH : Seulement deux ans séparent la sortie du précédent album, Horizon, et le dernier Decline. Qu’est-ce qui vous a permis de les enchaîner aussi vite ?
Max : C’est que lorsqu’on regarde un peu la discographie d’Embryonic Cells, on peut remarquer qu’entre certains albums il y a des écarts qui sont absolument gargantuesques : on parle de 5-6 ans voir 7. Peut-être qu’à l’époque on se posait beaucoup de questions, on s’interrogeait, peut-être qu’il y avait aussi beaucoup de procrastination, alors qu’aujourd’hui on est dans une dynamique d’action. On a envie de se poser moins de questions et puis on a envie de faire confiance à nos intuitions tout simplement. Donc là on fonce, ce qui nous permet de sortir des albums dans des délais beaucoup plus raisonnables.
WTH : Est-ce que certaines compositions dataient de la sortie de l’album Horizon, que vous ne pouviez pas rajouter à cet album et que vous auriez gardé pour Decline ?
Max : Non, c’est un matériel complètement nouveau. On a composé Horizon qui est sorti chez Apathia Records et puis, à la fin de la promo, on a ré-entamé un processus de composition et ce sont des compos absolument récentes.
WTH : Quelle a été l’évolution entre les deux albums selon toi ?
Max : Il y a deux marqueurs qui sont très forts. Le premier marqueur, c’est l’absence de clavier. En fait, les claviers c’est important parce qu’ils étaient menés par Pierre Le Pape et ce dernier, ça faisait 13 ans qu’il faisait partie du groupe donc il était très impliqué dans le processus créatif. Et là, il y a une absence de clavier et, en termes d’esthétique, ça réoriente pas mal les choses. La deuxième évolution notable, c’est l’orientation, ou plutôt, l’évolution du chant. Sur Horizon, il y avait un petit peu de chant clair, qui était très clairsemé et qui était plutôt expérimental. Et là, sur Decline, l’album et les compositions font vraiment la part belle au chant clair. À la louche, il me semble qu’il y a environ 50% des compositions qui sont en chant clair. Voilà, ce sont vraiment les deux marqueurs d’évolutions qui sont assez forts.
WTH : Comment travaillez-vous les compositions ?
Max : En fait, moi je prends ma guitare et, dans mon salon, je compose et constitue une riffothèque, un catalogue de riffs avec des hypothèses de structure. Et puis, soumets tout ça à Fred et à Djo. Autour de cette colonne vertébrale, eux procèdent à des ajustements, des interrogations, ils requestionnent le morceau, un peu comme une sculpture où tu rajoutes de la terre glaise, et puis on joue cette composition, on la rejoue et rejoue. Et il arrive à un moment où elle arrive à maturité, elle prend sa forme définitive et nous la posons sur la table. C’est un processus vraiment collectif.
WTH : Lorsque tu composes cette riffothèque, où puises-tu tes inspirations ?
Max : En fait, je suis déjà nourri par l’actualité, par ce qui m’entoure. Je me sens comme un citoyen concerné par le monde qui nous entoure, par le théâtre de nos vies humaines et donc, forcément, ça affecte le récit d’Embryonic Cells, ce que l’on raconte à l’intérieur et puis les esthétiques. Donc en fait, ce qui m’inspire, c’est tout un tas de lecture, de littérature, tout ce que je peux regarder sur mes écrans, de ce que je peux lire et de ce que je consulte en actualité. C’est une somme d’un tas de détail.
WTH : Et plus en détails, quels sont les thèmes vous avez voulu abordés pour les textes de Decline ?
Max : Alors tu imagines bien qu’avec un titre comme Decline, on ne raconte pas des choses foncièrement très joyeuses. Decline évoque le théâtre de notre monde et ce monde qui s’effondre de manière invisible. En fait, on assiste à une multiplicité des signaux d’alertes provenant de nos écosystèmes. Les eaux ça montent ici, ça fond au nord, il y a de plus en plus de résurgences d’incendies aux quatre coins de la planète, ou encore des phénomènes météorologiques qui se produisent de manière répété et exécrable. En fait, il y a un bruit de tictac qui est récurrent et qui monte encore et encore. Decline tente d’évoquer notre incapacité totale de réagir face à tous ces signaux. On reste prostré dans le déni et on ne réagit pas donc, en fait, Decline est une espèce de récit collapsologique qui dépeint un possible effondrement.
WTH : Comment s’est passé l’enregistrement ?
Max : Ça s’est plutôt bien passé ! Cette fois-ci, on est allé chercher Mickaël Kassapian qui est le responsable du Warmaudio, qui fait studio d’enregistrement, de répétition et de concert en parallèle, à Décines-Charpieu près de Lyon. C’était une collaboration qui était assez fructueuse parce que, rapidement, et ce dès les premiers jours en fait, Mickaël est devenu d’une certaine manière le quatrième membre du groupe parce qu’il ne s’est pas privé de donner son avis, quitte à prendre des risques, parfois à expérimenter en studio et il nous a donné de l’agilité, de la flexibilité ce qui nous permis d’expérimenter deux-trois trucs. Il nous a bien accompagné donc c’est plus qu’une éminence grise et je pense que l’album porte aussi sa signature au-delà de son mix et de son mastering. C’est un studio que je recommande fortement.
WTH : Pour le précédent album vous étiez passé par Apathia Records, pour celui-ci vous avez opté pour MusikÖ_Eye Prod. Pourquoi ce choix ?
Max : En fait, ça a été un choix de circonstance. On était très heureux de notre collaboration avec Apathia Records qui était, on va dire, un label à notre échelle et qui nous convenait très bien. Et puis, tu n’es pas sans savoir qu’il y a un climat économique très chahuté et compliqué pour les labels, et malheureusement Apathia Records a mis la clé sous la porte… Nous on était encore plus désolé pour eux que pour nous parce que ce label était pour nous une grosse pierre dans le jardin et on était fière de faire partie de cette écurie-là. On a donc été orphelin de label, ce qui ne nous a pas empêché de composer un nouvel album. Et puis, lors d’un concert à Paris qui était organisé par MusikÖ_Eye au cours duquel on a rencontré Gérôme Théodore, son label manager et ça bien matché, on s’est reconnu dans ce label, et comme il avait apprécié ce qu’on avait fait en live, il nous a fait une proposition. Et nous on a accepté pour deux choses : l’échelle du label semblait bien correspondre au gabarit d’Embryonic Cells et puis Gérôme et toute son équipe font tout sous le prisme de la passion, et nous on aime ça.
WTH : Vous avez réalisé un clip de la chanson You're So Full of Fear. Pourquoi avez-vous choisi cette chanson ?
Max : Je ne te cache pas que ça a fait l’objet d’âpres débats au sein du groupe. Quels morceaux à mettre en avant ou pas, et puis il fallait bien en choisir un. On a choisi ce morceau qui n’était pas évidement parce que le format du morceau constituait en lui-même un challenge. C’est une chanson qui a un format de plus de 7 minutes ce qui n’était pas forcément très propice au clip et ce n’était pas évidement de distiller suffisamment d’indices narratifs pour donner envie d’aller jusqu’au bout. C’est la raison pour laquelle, et ce dès le départ pour Embryonic Cells, on avait pas du tout envie de faire un clip dans une usine désaffectée, dans un garage ou dans un champ. On a un total respect pour les groupes qui le font, mais ce n’était pas très stimulant pour nous d’un point de vue créatif. Le contenu littéraire, les paroles de You’re So Full of Fear nous semblait bien propice à installer cette chanson dans un storytelling.
WTH : Comment s’est passé le tournage ?
Max : Assez bien. Ça s’est passé chez moi, au bout de mon jardin, dans les montagnes du Vercors. C’était facile de faire le repérage parce que tous les paysages que l’on voit dans le clip correspondent à toutes les promenades que je fais quotidiennement. C’est un tournage qui a duré deux jours, qui a été fait avec des bouts de ficelles. Mais on a eu la chance de collaborer avec mon frère, Timothé Baulieu, qui est cinéaste. Il nous a donné beaucoup de son temps, il nous a nourri de ses conseils et on a profité de son talent de monteur. Donc on a créé ce clip-là et on a voulu essayer de faire, avec nos moyens, de faire quelque chose d’un peu différent et surtout qui nous ressemblait.
EMBRYONIC CELLS You’re So Full Of Fear Official video clip
WTH : Vous avez joué au Hellfest 2019 sous l’Altar. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Max : J’en garde de très bons souvenirs parce que, lorsqu’on est monté sur scène, on était tous serein. J’ai presque envie de te faire que c’était un concert de plus. Pour moi, c’était un vrai moment où j’ai pris mon pied à jouer avec mes potes. On est bien conscient que c’est un privilège pour un groupe français, quel qu’il soit, de pouvoir se produire au Hellfest. Cela étant, il y a toujours une petite frustration parce qu’on s’est produit le troisième jour, le dimanche les gens sont rincés, sous la temps entrain de cuvé et surtout ceux qui sont là depuis le Knotfest le jeudi. Sans compter qu’on a joué en ouverture sous l’Altar. Alors on est vraiment reconnaissant de tout ça. On avait un public qui était certes clairsemé, on n’a pas joué devant le public d’une mainstage, mais nous on a eu un lien fort, il y a des gens qui étaient là, on a échangé avec eux, pleins de nouveaux contacts, donc j’en garde un souvenir vraiment excellent.
WTH : Actuellement, vous évoluez à trois dans le groupe. Avez-vous pensé à recruter un quatrième membre ?
Max : Oui. Il y a un spectre qui a été laissé vacant par les claviers mais on n’a plus vraiment envie d’en mettre, donc on cherche plutôt un deuxième guitariste. On a commencé à rencontrer des gens, on va commencer des auditions, mais rien n’est encore boulonné à ce jour. Je profite de cette interview, cet espace médiatique pour lancer les faits. Donc si toi ami lecteur tu es guitariste et tu kiffes le son d’Embryonic Cells, contactes-nous !
WTH : Par rapport au contexte actuel, avez-vous pensé à faire de live-stream ?
Max : Oui on l’a forcément envisagé parce que cette saloperie de virus a l’air d’être durablement là, donc l’enjeu, la vraie question pour les groupes, c’est quels sont les outils à mettre en place pour garder un lien avec son public donc oui tout ce qui est live-stream, c’est quelque chose qui est en gestation au sein du groupe et qui devrait se faire bientôt.
WTH : Pour conclure, un petit message pour nos lecteurs ?
Max : Déjà merci à toi personnellement, pour ton webzine, tout le travail de soutien, les éclairages que vous apportez au groupe donc merci à vous. Et puis, d’une manière générale, une fois qu’on sera sorti de cette parenthèse covidienne, n’oublions pas de réinvestir les salles de concerts, de soutenir les organisatrices/organisateurs de concerts, tous les bénévoles qui se casse le derrière à monter des événements, pour soutenir les groupes et de célébrer cette passion qui est le metal.
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