LORDI : entretien avec Mr. Lordi

Lordi 19

Les finlandais de LORDI étaient de passage à Paris dans le cadre de la tournée Killectour et ce fut l'occasion pour nous de rencontrer le chanteur Mr. Lordi qui a répondu à nos questions concernant principalement la sortie du nouvel album Killection.

Laetitia : Bonjour et merci de nous recevoir. Comment se passe votre tournée ?

Mr. Lordi : Pour le moment, très bien. Nous avons eu quelques problèmes de bus, c’est pour ça que nous avons eu une bonne heure de retard. Je ne suis pas vraiment dans ce monde en ce moment. *rire* Mon cerveau est en compote. Il fallait changer de bus, et tout le monde n’a dormi qu’environ 2h, donc c’est un peu difficile. *rire* En-dehors de tout ça, plutôt bien.

Laetitia : Cinquième date en France ce soir après Istres, Toulouse, Nantes et Epinal, et ce soir Paris. Comment trouvez-vous le public français ?

Mr. Lordi : Toujours super, et en particulier Paris. Je me rappelle en 2005, nous y avons été pour la première fois. La France a toujours été super.  Par contre, tu dis que c’est le 5ème concert en France, et je dois avouer qu’honnêtement je n’en savais rien. Je me réveille là où je me réveille, et je n’ai aucune idée d’où nous nous trouvons. Je connais Paris, je connais les noms de grandes villes, mais je ne fais pas vraiment attention à où nous sommes dois-je dire. Je sais que des membres du groupe se penchent un peu mieux sur la question, et vont regarder la veille vers où nous allons. En soi, ça ne change pas grand-chose. La seule chose qui change est que la veille d’un concert, je demande à quelqu’un de traduire « merci » et « bonjour », et c’est seulement après que je réalise que c’est pareil après quelques nuits.

Après ce qui peut être déroutant c’est que si l’on prend l’exemple de l’Autriche, ils y parlent allemand. Et on pourrait me dire qu’après quelques années à faire des concerts je devrais m’y être habitué, mais absolument pas. Mon cerveau ne veut pas connecter tous les éléments. Je comprends au moment M qu’on est dans ce pays, mais dans le pays suivant, le dossier a été supprimé dans mon cerveau pour laisser place au suivant. C’est donc une grande surprise à chaque nouvelle tournée.  En tout cas, en conclusion : nous aimons la France. *rire*

Laetitia : Est-ce que, plus de 13 ans après, certains vous voient toujours comme les gagnants de l’Eurovision 2006 ? Est-ce que cette question commence à vous taper sur les nerfs ?

Mr. Lordi : Je dirais que venant des fans de Lordi, absolument pas. Les fans de rock un peu plus lambda, peut-être un peu plus. Ce sera plus le cas si l’on se tourne vers un public plus « mainstream », mais fondamentalement je dirais que non. Si je fais une interview pour un magazine de musique ou un site ou autre, le sujet d’Eurovision n’est en règle générale même plus mentionné. En revanche s’il s’agit d’un journal c’est quasiment la seule chose dont ils veulent parler. Ça dépend donc vraiment des personnes avec qui on parle. Je dirais finalement que ça s’est beaucoup calmé, et en même temps c’était une performance à une émission télévisée datant de, 14 ans en mai.

Je ne dirais donc pas que ça me tape sur les nerfs. Cependant, il fut un temps où, disons 3 après, j’en avais assez. Je pensais juste que l’Eurovision ne me définit pas, ne définit pas le groupe ou définit quoi que ce soit finalement. Nous faisions la même chose avant l’Eurovision, et nous avons continué à faire la même chose après l’Eurovision. Donc pour moi ça n’était qu’une émission. Et c’est tout bêtement ce que c’est, chaque année il y a un nouveau gagnant, donc pourquoi y accorder autant d’importance. *rire*

Laetitia : L’année dernière, le bassiste Ox quitte le groupe. Comment avez-vous vécu ce départ ?

Mr. Lordi : Surpris à vrai dire. Il m’a appelé fin janvier, début février, il m’a dit avoir besoin de parler. Je lui ai dit qu’on aurait dit qu’il était en train de rompre avec moi *rire*. Et il m’a répondu oui. *rire* Donc c’était une forme de rupture de couple. Selon moi il y a déjà eu trop de changements de membres de groupe au cours des années, et bien entendu à chaque fois j’espère dans 99% des cas que c’est le dernier changement qui aura lieu. Mais quelque part on ne peut pas retenir un membre de partir. C’est un p*tain de mariage avec 5 personnes, donc si l’émotion manque, même si tu les aimes encore, tu ne peux pas empêcher qui que ce soit de partir. Enfin voilà, j’étais surpris, je ne l’ai pas vu venir, mais après réflexion et longues discussions avec le reste du groupe, c’est devenu plus évident. Il a dit y qu’il y pensait depuis un an et demi, mais je ne m’en doutais pas.

Laetitia : Et de quelle façon votre nouveau bassiste Hisii vous a-t-il rejoint ?

Mr. Lordi : Je l’ai appelé, tout simplement, easy, hisii. *rire* On s’amuse beaucoup, son prénom est génial pour les jeux de mots. En tout cas il est le premier qui m’est venu à l’esprit. Je pense l’avoir appelé la même journée où Ox a annoncé quitter le groupe, au plus tard le lendemain. Je n’ai pas perdu de temps. Fait est que lorsque quelqu’un veut quitter le groupe, ça ne sert à rien de supplier. J’ai déjà fait cette erreur, et ça ne fonctionne pas, donc autant le faire directement. Il est donc le premier que j’ai appelé, suite à quoi il est venu à un entrainement pour voir ce que ça pouvait donner – même si en soi il était le seul candidat pour cette place vacante. On lui a dit qu’on l’appellerait. On s’était en soi accordé sur le fait qu’il était celui que nous voulions comme remplaçant. Et comme j’étais très occupé avec l’album, je n’ai pas vraiment pensé à le rappeler. Il m’a rappelé un mois et demi plus tard et m’a demandé s’il était dans le groupe. *rire* Nous pensions que c’était évident pour lui, mais manifestement ça n’était pas le cas *rire*

Et puis ça n’est pas comme si en temps normal nous avions tant de contact entre nous. Je ne parle pas spécialement aux autres pendant que j’écris les chansons, je suis dans ma bulle. Si on m’appelle, je vais bien entendu décrocher, mais je ne ressens pas personnellement le besoin de contacter les autres. Il était honnêtement adorable, à demander ce qui allait suivre, parce qu’il était fébrile à l’idée de commencer à travailler dans le studio. Je lui ai dit qu’il fallait attendre que j’écrive les chansons, qu’on enregistre les démos, qu’on sélectionne les chansons, etc., et seulement là nous pourrions commencer. Il devait patienter un peu plus !

Laetitia : Nous allons maintenant parler de votre dernier album Killection, ou plutôt votre compilation fictive qui est donc composée de chansons que vous auriez composée entre les années 70 et 90 si le groupe avait existé à cette époque. Comment avez-vous eu l’idée dans tel concept ?

Mr. Lordi : On a pensé la chose de plusieurs manières différentes. J’ai fait des recherches sur mes chansons favorites des années 70 et je me suis dit que si l’on voulait faire une chanson qui devait faire croire qu’elle était des années 70, il faut faire en sorte qu’elle soit des années 70. Ça inclut de ne pas devoir enregistrer les titres avec les moyens d’aujourd’hui, donc pas de nouveau gadget, etc. J’ai donc vraiment essayé d’évaluer ce qui était disponible à l’époque. Pour certains styles nous avions plus de chansons, mais finalement nous n’en avons choisi qu’une, et pour d’autres il y en avait pleins d’autres que nous pouvions choisir.

Pour certains titres tels que Shake The Baby qui serait de 1995, c’était plutôt facile, puisque les moyens de l’époque sont plus ou moins ceux que nous utilisons de nos jours. Et pour d’autres chansons comme I Dug A Hole in the Yard for You qui se rapproche du Lordi de nos jours, c’était encore plus facile puisque je sais comment écrire des chansons pour le Lordi d’aujourd’hui *rire*.

Laetitia : Peux-tu nous parler un peu plus de cet album et s’il avait des sources d’inspiration en particulier ?

Mr. Lordi : C’est une compilation fictive pour commencer. La raison pour laquelle je voulais que nous fassions un tel album est que lorsque nous écrivons un album, beaucoup de titres sont laissés de côtés. Je ne voulais donc pas que la situation qu’une bonne chanson soit exclue parce que ça ne rentre pas dans le style de l’album se reproduise. L’idée était donc de faire un album où toutes les chansons seraient au même niveau, peu importe le style individuel.

Pour ce qui est des paroles, Tracy Lipp et moi, mon coach vocal, mon bras gauche, nous avons voulu adapter les paroles aux périodes dans lesquelles elles auraient été écrites. Pour 1995 par exemple, l’inspiration vient beaucoup de Rob Zombie. Pour nous, dans nos têtes, les paroles de cette période de Rob Zombie sont plutôt bizarres, nous avons donc écrit des paroles bizarres *rire*. Et si l’on prend Blow My Fuse, qui serait plus de 1975, a comme inspiration KISS des années 70, très sensuel. Il y a bien entendu de l’horreur dans la plupart des chansons, comme c’est Lordi. Drôle d’histoire d’ailleurs, avec une chanson comme Like A Bee To The Honey, qui n’a pas été écrit par moi-même, nous n’avons changé aucune parole. Ce sont les mêmes paroles que Paul Stanley et Jean Beauvoir ont écrites en 1988. Mais quand je le chante maintenant, ça change toute l’ambiance, c’est comme une chanson de stalker. C’est assez marrant.

LORDI - Like A Bee To The Honey (2020) // Written by Paul Stanley & Jean Beauvoir // AFM Records

Laetitia : Pour rebondir sur cette fameuse chanson Like A Bee To The Honey, écrite par deux grands noms : Paul Stanley de Kiss, ainsi que le multi-instrumentiste et producteur Jean Beauvoir. Comment avez-vous eu cette opportunité ?

Mr. Lordi : Déjà comme je l’ai dit, il faut savoir que nous n’avons pas touché aux paroles, elles sont exactement les mêmes. Ça s’est fait étrangement mais finalement assez naturellement. Jean est un bon ami d’Amen, notre guitariste. Ils ne se sont jamais rencontrés, mais ont échangé des mails au cours des années. Un jour, Jean est venu en Finlande pour un concert de KISS, suite à quoi il lui a demandé s’il voulait écrire une chanson avec lui, comme ils en parlaient depuis des années. Suite à ça, on a échangé tous les deux avec Jean. Je lui ai fait part de notre approche de Killection, et il a proposé d’au lieu d’imiter une chanson des années 80, pourquoi ne pas directement prendre une chanson écrite dans les années 80 ?

Il nous a donc joué cette fameuse chanson et on s’est demandé « Hein mais pourquoi c’est Paul ? What the hell ? ». Il nous a un peu expliqué le contexte – comme quoi c’était durant les années folles de KISS à la fin des années 80. Il a écrit de grands titres avec KISS comme Thrills In The Night et Who Wants To Be Lonely. Paul n’y voyait aucun inconvénient, donc comme fans de KISS, c’est un incroyable honneur. D’écouter une chanson qu’aucun fan n’a écouté auparavant, et de se le voir l’offrir sur un plateau d’argent, c’est incroyable. Nous avons essayé de rester au plus proche du morceau de base, et de même intégrer l’enregistrement d’origine – ce qui explique notre solo de saxophone, ce qui est une première pour nous. La seule chose que nous avons changé était la tonalité, puisque ma performance vocale n’est clairement pas la même que celle de Paul Stanley.

Laetitia : Dans un avenir proche, avec quel artiste aimeriez-vous réaliser un featuring ? Rob Zombie peut-être pour rester dans le thème ?

Mr. Lordi : Je peux penser à plusieurs artistes, comme par exemple Paul Stanley, Rob Zombie aussi, Alice Cooper bien entendu, pour n’en citer que quelques-uns. La liste pourrait être très longue si je citais tout le monde. *rire*

Laetitia : Quel message souhaiteriez-vous faire passer au public français de Lordi ?

Mr. Lordi : Oui oui, oulalah. *rire* Plus sérieusement, je veux les remercier pour le soutien, pour la loyauté. Je me rappelle de la The Monsterican Dream Tour, notre première fois en France, avec notre deuxième album. Depuis nous n’avons pas manqué à une seule tournée en France. Et c’est un consensus entre nous qu’à chaque fois c’est un plaisir d’être ici. Et je peux me tromper, mais je pense que le premier tatouage de Lordi que nous avons vu… C’est sur un fan Français.

Un grand merci à Him Media de nous avoir permis de réaliser cette interview.

Lordi

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