UNITED GUITARS : Interview du guitariste et journaliste guitare Ludovic Egraz
- Par Romain Dos Anjos
- Le 03/02/2021
- Dans Interviews
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Alors que la guitare est actuellement mis un peu trop en second plan, un collectif tente de la remettre au goût du jour. Il s'agit de United Guitars, un projet mené par le guitariste et journaliste de la presse guitare Ludovic Egraz. Un premier volume est sorti en 2019 et le couvert a été remis en 2020 avec un volume 2 qui met en scène plus d'une trentaine de musicien.
WTH : Avant d’entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous faire une rapide biographie de toi ?
Ludo : Je m’appelle Ludovic Egraz, je suis musicien et journaliste de profession. En plus de la musique, je suis rédacteur en chef d’un magazine qui s’appelle Guitar Xtreme. J’ai commencé la musique très tôt, à l’âge de cinq ans, d’abord avec du violoncelle jusqu’au lycée. Un peu avant ça, j’ai commencé à jouer de la guitare au début du collège comme plein de gens à l’époque. J’ai joué de la guitare en tant qu’amateur, j’ai fait du groupe. J’étais beaucoup plus attiré par le rock qu’autre chose donc mes bases musicales c’est AC/DC, IRON MAIDEN, VAN HALEN, des choses comme ça. Et finalement, après le lycée, je me suis inscris dans une école de musique qui s’appelle l’American School of Modern Music à Paris qui est plus une école de jazz, j’y suis resté trois ans. Parallèlement, j’ai fait un stage dans un magazine à l’époque qui s’appelait Guitare et Claviers et je suis rentrer un peu dans cette profession de journaliste musical complètement part accident. Par la suite, j’ai travaillé pour d’autres magazines dont un qui s’appelait Rage. Tout ça, ça m’a amené à créer mon magazine actuel et j’en suis le rédacteur en chef depuis sa création. J’enseigne également la guitare donc voilà je fais pleins de choses comme ça. Et depuis presque deux ans, je suis à la tête de ce projet qui est United Guitars avec la productrice Olivia Rivasseau qui a un label qui s’appelle Mistiroux Productions.
WTH : Peux-tu nous présenter le concept de ce projet ?
Ludo : L’idée de base de United Guitars ce n’est pas de faire des compilations comme il y en a plein où chacun file l’un de ses morceaux donc on a voulu aller un peu plus loin que ça. Il y a aussi beaucoup de gens qui font des collaborations sur internet et c’est par ce biais-là que le projet s’est formé. Avec mon magazine, j’avais fait deux vidéos collaboratives, l’un s’appelle Xtreme Challenge et l’autre Xtreme Blues Rock Challenge. On s’est dit que c’est dommage de faire ça juste dans le cadre d’un magazine un peu à la va-vite et que ce serait intéressant d’essayer de faire ça dans un studio, de s’y enfermer pour travailler tous ensemble. C’est né comme ça. Le concept est de créé du matériel, des morceaux qui sont spécialement conçus pour le projet. Ça ne peut pas être des morceaux qui existaient avant sur un album. Il faut qu’il soit joué en studio et qu’il y ait plusieurs guitaristes qui collaborent sur chaque morceau. Et par ce projet, je voulais aussi mettre en avant toute l’étendue de nos talents en France car il y a énormément de gens qui jouent très bien de la guitare et qui n’ont rien à envier. Pendant très longtemps, les anglo-saxons ont été meilleurs que nous et depuis une dizaine d’années ce n’est plus le cas avec la mondialisation, toute la documentation que l’ont peut trouver sur internet. Dis-toi que dans le projet on a un guitariste qui s’appelle Manou Rao qui a quinze ans et qui joue comme un tueur. Donc voilà, on a plein de talents qu’on voulait mettre en lumière car ce qui est dommage c’est qu’on n’est plus trop dans un monde de guitare. Il y en a toujours mais il n’y a plus de « guitar hero » comme c’était le cas il y a 20 ou 25 ans. Il y a moins de gamins qui veulent jouer dans la guitare pour faire chier leurs parents car c’est devenu quelque chose de générique et d’arrière-plan donc le projet tente vraiment de remettre la guitare au premier plan et de lui redonner son beau rôle.
WTH : Qu’est-ce qui t’a permis de réunir autant de guitaristes autour de ce projet ?
Ludo : De part mes activités de guitariste et de journaliste dans le monde de la guitare. Je suis forcément amené à rencontrer beaucoup de guitaristes, français ou internationaux. J’ai commencé la presse guitare en 1991 donc ça commence à dater. J’ai compté il n’y a pas très longtemps et j’ai dû faire plus de 3000 interviews dans ma carrière, tous les guitaristes que tu peux imaginer, j’ai du tous les faire à peu près ! (Rires) Dont certains plusieurs fois, jusqu’à dix fois. Il y en a certains avec qui j’ai fini par entretenir des correspondances régulières comme par exemple Doug Aldrich présent sur cet album que j’ai rencontré dans les années 90. Il était dans un groupe qui s’appelait BAD MOON RISING, il a joué pour DIO, WHITESNAKE et il a actuellement chez THE DEAD DAISIES. J’ai toujours été un fervent supporter de ce mec-là donc finalement on a sympathisé et chaque fois qu’il vient à Paris on essaye de se voir. Donc voilà, tous les guitaristes qui sont sur les albums du projet c’est soit des gens avec qui j’ai collaboré dans le cadre de Guitar Xtreme, soit des gens avec qui j’ai joué, et plus rarement des gens que j’ai repéré sur YouTube, ça peut arriver.
WTH : Premier volume sorti, plus de 3000 exemplaires vendus. Un festival, le United Guitars Fest, c’est ce qui t'a amené à mettre en chantier le volume 2 et pour ce dernier, 14 nouveaux guitaristes se sont ajoutés au projet. Peux-tu nous en dire plus sur eux globalement ?
Ludo : J’ai essayé d’amener des gens qui émanent de la scène, qui font le métier comme ça peut être le cas de Fred Chapellier, de Yarol Poupaud, Nina Attal ou de Pat O’May, des gens qui ont des carrières sur le long terme. J’ai aussi amené des gens de YouTube comme Florent Garcia, Nicolas Chona de Tone Factory, une chaîne qui cartonne et il est aussi musicien de scène. Et je voulais aussi un peu brasser des âges donc il y a des très jeunes dont Manou Rao que j’ai cité plus tôt, il y a Swan Vaude qui est très jeune aussi. Ça va de 15 à 60 ans ! Et quand tout le monde se retrouve en studio, on se comprend parfaitement. Et ce ne sont pas des gens choisis au hasard, ce ne sont pas des gens égoïstes qui ne pensent qu’à eux. On a tous cette envie de partager et de mettre des choses en commun. Et c’est l’une de valeurs fondamentales pour participer à ce projet.
WTH : Comment vous êtes-vous organisé sur les compositions, enregistrements, etc. ?
Ludo : Pour les compositions ce n’est pas compliqué. Environ deux mois et demi avant l’enregistrement, je préviens tous les gens qui ont été sélectionnés et je leur dis qu’ils peuvent commencer à gratter des idées, des maquettes, à nous proposer des choses et ça va généralement assez vite. Au bout de trois semaines, un mois, on commence à recevoir des premières versions des morceaux et on a fait les arrangements au fur et à mesure. On définit aussi les collaborations donc qui jouera sur tels morceaux. Parfois c’est une demande qui émane des musiciens eux-mêmes, et parfois c’est moi parce que même si les guitaristes ne se connaissent pas tous entre eux, moi je les connais tous et je suis un peu le point convergeant qui les relient tous. Je sais que la personnalité de tel guitariste ira avec la personnalité de tel autre. Je ne leur impose pas mais je leur propose avec mes arguments et généralement ils me font confiance. Et la grande nouveauté de ce vol. 2 c’est qu’il y a des morceaux qui ont été composés à plusieurs alors que sur le premier ce n’était que des compos individuelles. J’ai voulu aller plus loin et c’est là que je propose à l’un s’il veut composer avec tel autre.
WTH : C’est ce qui le démarque par rapport au premier.
Ludo : C’est ça, il y a cinq morceaux qui ont été fait à plusieurs et le reste ce sont quand même des compos individuelles. Je ne sais pas trop encore ce qu’on fera sur le vol. 3 mais on verra bien ! (Rires) Il y a aussi un changement sur le style car le premier était assez monochrome dans le sens où c’était quand même très rock, très hard. Sur celui-ci, on a voulu élargir un peu le débat parce que c’est une musique instrumentale et ce n’est pas évident pour certaines personnes de s’infuser 15 ou 17 morceaux de musique instrumentale, sans paroles. Nous on baigne là-dedans tout le temps car la guitare instrumentale c’est un peu notre style de prédilection. Pour certaines personnes qui sont néophytes ce n’est pas facile. Au bout d’une demi-heure ils décrochent un peu donc sur le deuxième fallait des morceaux un peu plus courts, un peu plus formatés et surtout alterner d’avantage les styles donc là on a des morceaux plus rock seventies, plus blues rock, il y a des morceaux metal, d’autres qui sont presque de la world music, il y a des incursions funk, un peu jazz rock aussi. Quelque part, tu voyages un peu plus dans des saveurs musicales différentes et ça apporte du relief.
WTH : Quelles difficultés avez-vous rencontré par rapport au contexte actuel de pandémie ?
Ludo : La première difficulté c’est qu’on a beaucoup hésité à le faire. On s’est posé la question de si on n’allait pas sauter un an et on a finalement décidé de le faire quand même car on voulait en faire un en 2021 donc il fallait le faire. On a cherché des solutions avec le studio dans lequel on a l’habitude d’aller, le studio 180 qui se trouve à Porte de Pantin. On a élaboré un protocole sanitaire, on devait tous porter des masques et il y avait du gel hydroalcoolique partout. C’était un peu moins fun que le premier enregistrement mais bon on a réussi à le faire malgré tout. Cependant, c’est plus compliqué sur la suite car on devait faire une release party au Hard Rock Café et ça n’a pas été possible à cause du confinement.
WTH : En dehors du United Guitars Fest, est-ce qu’une tournée pourrait éventuellement voir le jour ?
Ludo : L’idée d’une tournée, on y pense depuis le début. On essaye de trouver des solutions car quand tu as un line-up de 30 personnes, sans compter les bassistes et les batteurs plus un ingé-son, plus un éclairagiste, etc. Il faut du budget. Donc on pourra miser sur des salles municipales qui ont le budget pour accueillir des spectacles de grandes envergures comme ça. Même si c’est un projet qui parle beaucoup aux gens qui sont dans la guitare, ça reste quand même un truc de niche donc ce ne serait pas du tout simple à rentabiliser. Mais on adorerait le faire. On a aussi imaginé des formules réduites, peut-être des structures régionales vu qu’on a plusieurs guitaristes qui sont du sud de la France, d’autres en Aquitaine, dans l’Est de la France ou à Paris donc peut-être faire des mini united guitars avec 10 ou 15 personnes. On était aussi en train de travailler ça quand il y a eu la crise du covid, de mettre en place des choses avec des centres culturels dans plusieurs régions donc tout ça reste en suspend mais on espère qu’on pourra le faire.
WTH : Grâce à ton projet, ce bel instrument qu’est la guitare est mis à l’honneur et contribue à sa longévité. J’imagine que vous avez tous une pensée au grand Eddy Van Halen qui nous a quitté dernièrement et qui a laissé derrière lui un bel héritage.
Ludo : Dans l’histoire de la guitare moderne, tu as 3-4 personnes qui ont marqué l’histoire de l’instrument. Par exemple Django Reinhardt qui a bien mis sont empreinte sur l’instrument, Jimi Hendrix a beaucoup développé les choses au niveau du son, de l’émancipation de guitariste, le côté très libre donc il a fait exploser tous les codes. Et plus proche de nous, celui qui a réussi à faire ça c’est Eddy Van Halen et il n’y a pas eu de phénomène comme ça depuis ce mec-là. Le premier album de VAN HALEN est sorti en 1978. Il y a eu plein de guitariste qui ont plus de technique mais personne n’a réussi à révolutionner les choses avec une magie comparable. Donc forcément sa mort m’a beaucoup touché car j’en suis super fan, on est plusieurs à l’être au sein du projet. J’ai eu l’honneur de le rencontrer en 1997, j’avais eu la chance d’aller chez lui pour l’interviewer en Californie donc ça reste vraiment un très bon souvenir. C’est un peu la fin d’une époque.
Eddy Van Halen (1955 - 2020)
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